Le cortège, formé de 5.000 à 6.000 personnes selon les médias, a sillonné en fin d’après-midi les ruelles du centre historique de la Sérénissime derrière une banderole sur laquelle était écrit: « Fuori le navi dalla laguna » (« Les grands navires hors de la lagune »).
Des dizaines d’embarcations à rames ou à moteur ont également pris part à la manifestation sur les canaux vénitiens ou dans le bassin, face à la célèbre place Saint-Marc.
« Les paquebots doivent sortir de la lagune. Ils sont incompatibles avec l’équilibre de l’écosystème, en plus d’être dangereux pour la ville », a déclaré Gianfranco Bettin, président de la municipalité de Marghera (fraction de la commune de Venise), présent dans le cortège.
Organisée à l’appel du Comité « No Grandi Navi » (« Non aux grands navires »), la manifestation est partie des « Zattere », ces quais en bois situés en face de l’île de la Giudecca, non loin du lieu où un bateau de croisière hors de contrôle, avec 3.000 personnes à bord, avait heurté dimanche un bateau de tourisme en voulant s’amarrer, faisant quatre blessés légers.
L’accident, dont les images d’amateurs ont fait le tour du monde, a ravivé la controverse sur les risques et dommages, notamment écologiques, infligés au site — la Cité des Doges et sa lagune sont inscrites au patrimoine de l’Unesco — et à son fragile écosystème par les énormes navires de croisière qui naviguent près du rivage.
Les paquebots sont aussi accusés par les défenseurs de l’environnement de contribuer à l’érosion des fondations dans cette ville régulièrement inondée.
Les paquebots ont théoriquement l’interdiction de circuler dans la lagune depuis un décret pris en 2012 à la suite du naufrage du Costa Concordia, mais le texte n’a jamais été respecté faute d’alternative.
L’Italie a également adopté en novembre 2017 un plan de développement de la lagune pour soutenir l’activité lucrative des croisières tout en modifiant le parcours des paquebots, qui à terme ne pourront plus traverser Venise via le canal de la Giudecca qui longe la place Saint-Marc.
Au sud du centre-ville, ce canal offre aux croisiéristes une vue imprenable sur la place au célèbre campanile, que les bateaux effleurent avant de rejoindre la gare maritime où ils vont s’amarrer.
A la suite de l’accident de dimanche, le ministre des Transports Danilo Toninelli (Mouvement 5 Etoiles, antisystème) a déclaré qu’une solution serait trouvée d’ici fin juin pour déplacer les grands navires loin de La Giudecca et de Saint-Marc.
Un plan alternatif — sur lequel la municipalité, la région Vénétie et les compagnies de croisières sont d’accord — prévoit que les paquebots passent par le passage de Malamocco, au sud de la lagune, pour bifurquer vers l’actuelle gare maritime, évitant ainsi le bassin de la place Saint-Marc.
Un autre projet discuté depuis des années consiste à réaliser une nouvelle gare maritime à Marghera, le port industriel de Venise, situé sur le continent, et où s’amarrent aujourd’hui les porte-conteneurs et les pétroliers géants.
Les entrepreneurs ont demandé à plusieurs reprises de résoudre le problème des grands navires à Venise qui constitue une activité importante pour la ville. Son chiffre d’affaires représentait en 2015 plus de 280 millions d’euros par an, soit près de la moitié du chiffre d’affaires du tourisme de croisière en Italie.
Entre 1997 et 2018, le port de la cité lacustre a accueilli plus de 31 millions de passagers. Ils ont été 1,56 million à débarquer en 2018, le pic du trafic de croisière ayant été atteint en 2013 avec 1,8 million de passagers.
Le plus grand navire entré dans la lagune, le 2 juin 2012, est le MSC Divina, un paquebot de 333 mètres de long et 139.000 tonnes.
Premier port pour le trafic passagers en Méditerranée, Venise a toutefois vu certaines compagnies se détourner ces dernières années vers le Pirée, en Grèce, ou en Turquie en raison de l’incertitude et des polémiques liées au transit des paquebots dans la lagune.