« On est à une étape charnière », indique Christophe Hirsinger, directeur projet Bouygues TP Monaco. Lancé sur le papier en juillet 2015, le chantier est sans équivalent, même au Moyen-Orient, en raison de ses contraintes sismiques, environnementales et de sa profondeur, à -50 mètres.
M. Hirsinger reçoit dans un bureau où des caméras suivent les travaux en temps réel. En mer, deux barges font du remblai. Les premiers camions-toupie sont entrés en action, signe que sera bientôt achevée la phase maritime du projet, peu visible en surface mais la plus spectaculaire en terme de génie civil avec 8 hectares recouverts sous la Méditerranée pour gagner 6 hectares de foncier.
Laissant dans son sillage des bouées de surveillance mesurant de nombreux facteurs, comme le bruit ou la température de l’eau, un remorqueur se dirige vers un caisson de béton au mouillage, gigantesque silhouette grise flottante de 25 mètres de haut.
Le 18 juillet, le 17e et dernier de ces caissons conçus pour former une ceinture résistant à la houle et aux tremblements de terre sera posé et le nouveau trait de côte dessiné: « On sera à même, dès l’automne, de pouvoir remblayer à l’intérieur de cette ceinture de caissons, pour créer la plateforme où sera construit le quartier », ajoute M. Hirsinger. 450.000 m3 de sable de Sicile sera utilisé.
Une cinquantaine de plongeurs participeront jusque fin 2020 aux travaux qui nécessitent de coordonner une quinzaine de tâches différentes en mer, et jusqu’à 26 ateliers à terre.
« La première chose qu’il a fallu faire, c’est draguer les sédiments impropres à la construction. Il a fallu enlever 66.000 m3 pour aller jusqu’au rocher jusqu’à moins 50 mètres. C’est là qu’on a créé un remblai sur lequel on est venu poser les caissons à -20 mètres » sous la mer, rappelle M. Hirsinger.
– 100.000 euros le m2 –
Pour le biologiste Alexandre Meinesz, le péché originel du projet est là, d’autant qu’il succède à d’autres extensions qui ont fait gagner 40 hectares à la Principauté depuis les années 1950: « L’habitat marin est recouvert à jamais, et à qui va revenir le terrain, je pose la question? ».
A ces critiques, les titulaires de la concession, des investisseurs privés, dont Bouygues et des familles monégasques, regroupés dans la société anonyme L’Anse du Portier, opposent leur souci de minimiser au maximum les atteintes à l’environnement, quitte à rallonger la durée et la facture du chantier, à 2 milliards d’euros au total.
Le site, entre deux réserves naturelles, est confiné derrière des écrans anti-turbidité laissant passer l’eau mais pas les matériaux mis en oeuvre au fond de l’eau. Des espèces ont été déplacées, et de nouveaux habitats recréés pour la faune et la flore dans la ceinture de caissons, sur les enrochements et sur des récifs artificiels.
Le prince Albert II a fait du développement durable, de la biodiversité et de la défense des mers et des océans, un axe constant de ses interventions internationales. « Il se soucie aussi du développement pérenne de la Principauté », soulignent les promoteurs du projet.
Avec ce nouveau quartier confié à Renzo Piano et au cabinet Vallode et Pistre, Monaco espère attirer la clientèle haut de gamme que se disputent quatre ou cinq villes dans le monde, dont New York, Londres ou Singapour, capable de payer environ 100.000 euros le m2.
« La Principauté est en croissance démographique, elle a besoin d’attirer un certain nombre de gens et jusqu’à la frontière terrestre, c’est très construit. Il reste un espace de liberté, c’est l’espace marin, c’est ça l’origine du projet », reprend M. Hirsinger.
Outre une soulte de 400 millions déjà versée par la société d’aménagement, l’Etat monégasque estime qu’il pourra récupérer 750 millions d’euros en recettes de TVA et droits d’enregistrement du fait de la vente des biens immobiliers construits dans ce nouveau quartier. Le terrain lui reviendra de droit.
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