« Les quais, la digue, la jetée, les installations électriques, le dragage du port: toute la partie maritime est terminée et les bateaux ont pu commencer à entrer à partir du 15 octobre », détaille Aleco Keusseoglou, président délégué de la Société d’exploitation des ports de Monaco (SPEM), également en voie d’implantation près de Rome, au vieux port de Civitavecchia.
Derrière lui, les devantures des boutiques de grandes marques pour la navigation ou l’habillement sont encore vides, une partie des quais sont déserts et la colline qui se dresse au pied du port, avec le Vieux Vintimille aux façades roses et jaunes au sommet, est livrée à la végétation. Un projet immobilier de grand standing avec hôtel de luxe doit y voir le jour.
Délicieusement provinciale, un rien désuète, Vintimille est surtout connue pour son théâtre romain, son marché, ses commerces d’alcools et de cigarettes. Jusqu’à présent pour le luxe, il fallait surtout se méfier des contrefaçons.
« On est bien à Vintimille en Italie, mais opérationnellement, Cala del Forte est le troisième port de Monaco », souligne M. Keusseoglou, « optimiste » malgré l’épidémie de Covid-19 qui a retardé le chantier de six mois, ralenti le processus de vente des 178 anneaux et paralyse toujours le yachting mondial.
La place la plus chère, prévue pour un yacht de 70 mètres, attend preneur: 14 millions d’euros pour 40 ans de droit d’usage.
Au total, la SPEM a investi 112 millions d’euros. « C’est le plus gros chantier public depuis l’après-guerre pour Vintimille. On attendait le port depuis presque 100 ans! », s’extasie le maire Gaetano Scullino.
– « Touristiquement, c’est fantastique! » –
A l’étroit et manquant cruellement de places pour accueillir des yachts de plus de 35 mètres dans ses deux ports, Monaco a acquis la concession du port pour une durée exceptionnelle de 85 ans en 2016.
Le maire se frotte les mains. Il est persuadé que le port ne sera pas un simple parking à bateaux d’où les clients fuiront immédiatement en Principauté: « Je suis certain que Vintimille va capter des visiteurs », dit-il. Situé à 17 kilomètres, Monaco sera à dix minutes par la mer grâce à une navette.
« Touristiquement, c’est fantastique: (…) 650 places de parking (…) un héliport, un ascenseur de 60 mètres qui montera du port au centre historique. Imaginez, on arrive en bateau, on fait 30 mètres et hop, on est à la cathédrale (…) on mange un plat de spaghettis al dente et on a passé une bonne journée! », décrit M. Scullino.
Pour les investisseurs, Vintimille a aussi d’autres charmes. Elle est classée en Zone franche urbaine depuis 2009, ce qui signifie qu’on ne paie aucun impôt les cinq premières années, et les tarifs immobiliers, en hausse, restent « moitié moins chers qu’à Nice ou Cannes » selon M. Scullino.
Le maire jure cependant que la ville ne perdra pas son âme et ne connaîtra pas les excès immobiliers de Monaco où les prix au m2 sont parmi les plus chers au monde, malgré l’arrivée d’investisseurs étrangers.
« Rob » Thielen, grande fortune néerlandaise et résident monégasque, a ainsi multiplié les emplettes selon le maire et la SPEM. Ce patron d’un fonds d’investissement – sollicité par l’AFP, le fonds n’avait pas réagi dans l’immédiat – doit notamment construire l’hôtel de luxe surplombant le port.
« L’habitant du Vieux Vintimille va petit à petit changer de profil », prédit Aldo Herlaut, ancien diplomate français qui vit près de Vintimille et organise des expositions. « L’impact économique et culturel sera très important et ça peut irradier jusqu’aux villes italiennes voisines comme Bordighera ou San Remo qui ont perdu, à tort, l’attrait qu’elles avaient auprès des Anglais tout au long du XVIIIe et du XIXe siècle ».