« Les filets finissent enfouis, incinérés ou sont partiellement recyclés hors de France », explique à l’AFP Yann Louboutin, fondateur avec Théo Desprez et Thibaut Uguen de l’entreprise qui vient de s’installer dans un hangar de 1.500 m2 à l’entrée de Plougonvelin, petite cité balnéaire à la pointe du Finistère.
Une partie des filets, dont la durée de vie se compte parfois uniquement en mois, finit aussi au fond des océans.
Selon Bruxelles, le matériel de pêche contenant des matières plastiques représente 27% des déchets marins retrouvés sur les plages européennes. Il est ainsi prévu une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) en Europe pour le matériel de pêche.
Si des solutions commencent a émerger pour réduire cette pollution, comme la fabrication de filets biodégradables ou compostables, nombreux sont aussi les projets visant à recycler les filets usagés.
« L’idée est de regrouper toutes ces initiatives locales pour créer une filière nationale », explique Yann Louboutin, 25 ans, en montrant la broyeuse récemment acquise pour réduire les filets, nettoyés et triés par couleurs, en fibres de quelques centimètres.
Actuellement ces fibres sont envoyées en Italie pour être traitées dans une extrudeuse qui les transforme en granulés de polyamide.
Mais d’ici à 2022, l’entreprise bretonne aura acquis sa propre extrudeuse, d’un coût de 550.000 euros, capable de traiter chaque année l’ensemble du gisement français de filets provenant de fileyeurs, les plus faciles à régénérer du fait de leur plus petite taille et de leur composition.
En France, le principal écueil pour le recyclage des engins de pêche est le manque « de dispositifs adaptés à une collecte sélective », note Mathilde Gueguen, chargée de mission sur le projet PechPropre pour la Coopération maritime, une association qui défend et promeut les activités de pêche artisanale.
– « traiter tout le gisement français » –
« Les ports, dans un certain nombre de communes littorales, ne sont pas très grands et donc ne disposent pas d’espace suffisant pour avoir un lieu de collecte séparé », souligne-t-elle, indiquant que la loi sur l’économie circulaire votée en février 2020 pourrait y remédier.
« Il faut mettre tout le monde autour de la table, pas seulement les ports, mais aussi les régions, les communautés de communes… Il faut le temps que ça se fasse », relativise Théo Desprez, 26 ans.
« Notre objectif, c’est de traiter tout le gisement français soit entre 600 et 800 tonnes par an », poursuit Yann Louboutin, soulignant que le seul département du Finistère concentre le quart du gisement français.
D’un coût de plusieurs dizaines de milliers d’euros, des broyeuses pourraient être installées au plus près des gisements, en Normandie, Aquitaine et Méditerranée.
Chaque site enverrait ensuite à Plougonvelin ses fibres pour qu’elles y soient traitées dans l’extrudeuse.
Ce procédé permettrait de contourner une autre difficulté, celle de l’exploitation de ces tonnages, « pas très importants par rapport à un certain nombre d’autres secteurs de la plasturgie », souligne Mme Gueguen.
« Nous allons aider nos petits Bretons à installer à Fécamp une broyeuse qui traitera les gisements de Fécamp et du Havre », promet Thomas Bouchet de l’agence de développement économique, Le Havre Seine Développement.
Jusqu’à présent, l’entreprise bretonne a collecté 10 tonnes de filets et produit deux tonnes de granulés, un produit commercialisé sous le nom de « Nylo » et qui intéresse fabricants de montures de lunettes et horlogers, mais pourrait s’adresser aussi, lorsque les volumes seront plus importants, aux plasturgistes.
« A terme l’idée est de dessiner et créer nos propres objets fabriqués à partir de nos granulés », assure Théo Desprez. « Maintenant que nous avons créé la filière nous allons pouvoir accomplir notre rêve », sourit-il.