Brexit: les exportateurs français pas tous prêts pour le grand saut

Il est cinq heures et « la Marée », l’emblématique pavillon du premier marché de gros européen, ferme. Prête pour le Brexit? « On va s’adapter », assure Véronique Gillardeau, qui dirige la poissonnerie Blanc. Placide, l’ostréicultrice répond aux questions de la délégation officielle emmenée par le ministre délégué au Commerce Extérieur Franck Riester, venue s’assurer que les exportateurs sont prêts pour le 1er janvier.

Bien que l’import-export avec le Royaume-Uni constitue une part importante de l’activité de la société, qui a des « casiers au nord de l’Angleterre et en Irlande », la gérante ne semble pas inquiète. Tout au plus craint-elle des embouteillages à la frontière, qui pourraient rallonger la livraison. « Quatre ou cinq jours, c’est trop long pour un poisson ».

Dans le pavillon des viandes où la « Team France Export » poursuit sa visite, Caroline Fauchère, à la tête du grossiste Eurodis (53 millions de chiffre d’affaires), sent, elle, la pression qui monte, à quinze jours de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

« On a créé les numéros +EORI+ (le numéro d’identification en matière douanière, ndlr), on a contacté des +RDE+ (« représentant en douane enregistré », ndlr), mais on travaille à tâtons, on ne sait pas comment ça va se passer au niveau de la TVA, on ne sait pas s’il y aura des droits de douanes, on ne sait pas comment ça va se passer à la frontière… », confie la jeune femme au milieu des carcasses de boeuf tamponnées « UK ».

« Mais ça commence à urger, alors on met la pression sur nos fournisseurs », poursuit Mme Fauchère. « Il faut aussi sensibiliser les chauffeurs routiers » au passage de la « frontière intelligente », conseille le directeur des Douanes. Une identification par code-barre, sur le modèle des télépéages, devrait permettre d’accomplir les formalités douanières automatiquement, et faciliter ainsi la fluidité des échanges.

– 50 km d’embouteillages –

Après un détour par le pavillon de la triperie – l’occasion d’une démonstration de savoir-faire d’un désosseur qui fait un sort à une tête de veau en trente secondes – la délégation rend visite au « bon élève » du Brexit.

« On a suivi en spectateur au début mais, depuis octobre, on est en mode Brexit. Par exemple, à 8 heures on doit être en position de générer notre facture pour pouvoir faire notre déclaration douanière », explique Florent Hayoun, gérant de Natoora.

Car impossible de faire attendre « les chefs des grands restaurants » de la capitale britannique, qui sont friands de ses fruits et légumes haut du panier. Entre huit et dix palettes sont expédiées chaque jour vers Londres.

Mais à mesure que la date fatidique approche, l’angoisse monte. « Hier, il y avait 50 km d’embouteillages de poids lourds à la frontière » car « toutes les entreprises qui peuvent faire des stocks sont en train d’en faire ». Ce qui n’est pas son cas, même si les légumes d’hiver sont, heureusement, moins rapidement périssables que les printaniers.

A l’issue de sa tournée d’inspection, M. Riester note « une grande diversité de préparation, entre les entreprises qui ont déjà tout calé, la logistique, les démarches administratives et sanitaires, et ceux qui n’ont pas encore regardé le dossier ».

« Maintenant il faut qu’on redouble de communication, dit le ministre à l’AFP. Qu’on aille chercher ceux qui n’ont pas encore fait les démarches car, quoi qu’il arrive, qu’il y ait un accord ou pas, au 1er janvier, les choses vont changer radicalement ».

Le proche voisin d’Outre-Manche sera alors, comme la Chine ou la lointaine Australie, traité en « pays tiers ».

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