Lors d’une réunion informelle à Genève, le président du groupe de négociation sur les aides à la pêche, l’ambassadeur colombien Santiago Wills, a annoncé aux membres de l’Organisation mondiale du commerce qu’un accord ne pourrait être conclu avant la fin de l’année, soulignant que la pandémie de Covid-19 a induit un arrêt des travaux au second trimestre.
« Il est désormais clair que nous ne pouvons tout simplement pas rattraper le temps perdu en raison de la pandémie de Covid-19 et faire aboutir les négociations cette année », a déclaré en fin de journée M. Wills, en conférence de presse.
L’ambassadeur colombien a également fait valoir que l’absence de directeur général à la tête de l’OMC depuis fin août – en raison du blocage américain de la nomination de la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala – a également nui aux discussions sur la pêche.
Une telle autorité aurait permis de trouver des « compromis », a-t-il estimé, reconnaissant toutefois que cela n’aurait pas suffit face aux difficultés causées par la pandémie.
Le président du groupe de négociation a également souligné que, malgré ces difficultés, les négociations avaient permis de faire « beaucoup de progrès cette année » mais que des « divergences majeures subsistent » entre les membres.
Il a également annoncé son intention de lancer une nouvelle série de réunions à compter du 18 janvier.
– « Urgence » –
« L’urgence est de plus en plus grande: alors que nous parlons, les stocks de poissons continuent à diminuer en raison de la surpêche », a souligné M. Wills, « déçu » que les membres de l’OMC n’aient pas pu respecter l’échéance de 2020.
« Mais avec de la bonne volonté et un engagement approprié, je suis convaincu que nous pouvons y parvenir dans un avenir proche », a-t-il ajouté.
Les discussions avaient bien repris ces dernières semaines mais les restrictions concernant les réunions physiques et les difficultés de nombreux membres suite à la crise sanitaire ont constitué des obstacles importants.
Cette incapacité à conclure ces négociations en 2020 constitue un revers pour l’OMC.
Les discussions à l’OMC sur les subventions à la pêche remontent à une vingtaine d’années. Elles ont été particulièrement actives au cours de la période 2005-2011, sans toutefois aboutir. L’effort a été relancé après l’adoption par les dirigeants mondiaux des Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU en septembre 2015.
L’ODD 14.6 vise à éliminer les subventions qui contribuent à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et à interdire certaines formes de subventions qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche, en prévoyant un traitement spécial et différencié des pays les moins avancés mais aussi des pays en développement.
Cette exigence est toutefois difficilement acceptable pour tous, nombreux sont ceux qui soulignent que la Chine, qui est dans la catégorie des pays en développement à l’OMC, possède l’une des plus grandes flottes de pêche.
– Interdire ou limiter –
Les pays ne sont pas encore d’accord non plus sur la façon d’encadrer les subventions.
L’Europe et plusieurs pays, comme le Japon et la Corée du Sud, demandent une interdiction des aides à l’exception de celles dont l’effet est positif et de celles dont l’effet potentiellement négatif est annulé par un dispositif de gestion rigoureux.
D’autres estiment au contraire que toute subvention est par nature mauvaise, et donc à supprimer, tandis que certains demandent que les subventions soient plafonnées.
La Chine, l’Union européenne, les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon sont les cinq premiers pays ou groupe de pays subventionneurs.
« Il est clair que les gens dans le monde entier sont très déçus que des subventions néfastes à la pêche continuent d’exister », a réagi l’envoyé spécial de l’ONU pour les océans, Peter Thomson.
« Il ne fait aucun doute que le subventionnement des flottes industrielles a conduit à la surcapacité qui épuise les stocks de poissons du monde entier, et il faut mettre fin à cette mascarade », a ajouté le responsable.
Selon l’ONU, un tiers des stocks de poissons commerciaux étaient pêchés en 2017 à des niveaux biologiquement non viables.