L’Irlande prête à éviter le Royaume-Uni pour acheminer ses biens en Europe

Chaque année, 150.000 camions utilisent le « passage par le Royaume-Uni » pour transporter 3 millions de tonnes de fret entre la République et l’Union européenne.

Les poids lourds prennent d’habitude le ferry depuis les ports irlandais vers le sol britannique, puis roulent vers les centres d’affrètement du sud-est de l’Angleterre, avant de terminer leur trajet vers le continent.

Mais avec la sortie du marché unique le 1er janvier et malgré l’accord commercial conclu entre Londres et Bruxelles, rien ne garantit que les échanges garderont la même fluidité aux frontières.

« Les déclarations, les contrôles réglementaires… seront désormais à prendre en compte parce que le Royaume-Uni a quitté l’UE », et « il y aura des retards », prévenait lundi Tom Talbot, responsable des douanes au port de Dublin.

Les transporteurs routiers irlandais sont nombreux à chercher à emprunter de nouveaux trajets pour rester à l’intérieur du marché unique et de l’union douanière, seul moyen d’échapper aux perturbations.

Le port de Rosslare Europort, situé dans le sud-est de l’île et le deuxième plus important centre de fret du pays, propose déjà 28 trajets par semaine à destination ou en provenance d’Europe, contre une dizaine auparavant.

En décembre, la compagnie maritime suédoise Stenaline a mis en place plus tôt que prévu son projet de doubler ses voyages entre ce port irlandais et Cherbourg en France, notamment en raison du blocage de camions du fait des restrictions liées à la pandémie de Covid-19.

Samedi dernier, la compagnie danoise de transport maritime de marchandises DFDS a ouvert une nouvelle desserte vers le port de Dunkerque, qui a fait le plein dès son premier jour.

Le trafic de fret a « plus que doublé » vers l’Europe continentale pour la seule journée de samedi par rapport à la première semaine de 2020, selon le directeur du port de Rosslare Glenn Carr.

« La demande pour ces services a été extrêmement forte », dit-il à l’AFP, précisant qu’il réfléchit à accélérer encore la cadence.

Au port de Dublin, le plus important en Irlande, les nouvelles destinations vers l’Europe continentale ont été lancées dès le vote pour le Brexit de 2016.

Des ferries de la société luxembourgeoise CLdN assurent des liaisons vers Zeebrugge en Belgique et Rotterdam aux Pays-Bas.

– Vrai test à venir –

Les autorités irlandaises ont plus récemment encouragé les entreprises de logistique à « se préparer à basculer vers des trajets directs vers le continent », en cas de perturbations post-Brexit.

Mais contourner le Royaume-Uni prend évidemment davantage de temps.

De Rosslare vers Dunkerque, il faut compter 24 heures en mer, alors qu’un trajet de Dublin à Dunkerque par le Royaume-Uni ne prend en théorie qu’autour de 13 heures.

Toutefois, en pratique, les chauffeurs ont droit à des pauses, font face aux aléas des embouteillages et passent plus de temps à embarquer et à sortir des ferries qu’ils empruntent à deux reprises.

Un trajet direct vers l’Europe « donne davantage d’assurance », tranche Simon McKeever, directeur général de l’association des exportateurs irlandais.

Dans l’immédiat, les premiers jours de l’année ont été calmes au port de Dublin, pour l’essentiel en raison d’un ralentissement des échanges après la période des fêtes et du fait des restrictions liées à la pandémie.

Le ministère irlandais des Transports ajoute que des entreprises ont réalisé des stocks en décembre par crainte d’encombrements post-Brexit, ce qui n’a pas été le cas encore.

Le trafic devrait revenir à la normale et monter en puissance dans les prochaines semaines, ce qui constituera le vrai test pour la frontière entre l’UE et le Royaume-Uni.

C’est à ce moment là que les éventuels retards apparaîtront et que les transporteurs irlandais souhaitant se rendre sur le continent pourront décider de se passer du Royaume-Uni pour de bon.

jts-jbo/ved/pcm/ao

DFDS

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