Entre Brexit et Covid, le blues du transport transmanche

Brittany Ferries a perdu 70% de ses passagers (très majoritairement britanniques) l’an dernier, la compagnie danoise DFDS 60%, Eurostar environ 85%…

« Il n’y a plus de touristes, il n’y a plus de voitures, il n’y a plus d’autocars depuis le mois de février », soupire le président du port de Calais, Jean-Marc Puissesseau. « Il n’y a plus personne. »

Le premier port pour les échanges avec l’Angleterre avait vu transiter 8,5 millions de passagers en 2019, un chiffre déjà en baisse à cause de la chute du cours de la livre sterling.

Après le confinement du printemps, le trafic était un peu remonté jusqu’à ce que le Royaume-Uni impose en juin –temporairement– puis à nouveau en août une quarantaine pour les voyageurs venus du Continent. L’automne a été marqué par de nouveaux confinements, l’année se terminant par l’obligation de présenter un test négatif pour entrer en France, après une brève fermeture de la frontière.

Eurotunnel s’en sort mieux, avec une baisse du nombre de véhicules de tourisme limitée à 47%.

Getlink, le groupe qui exploite le tunnel sous la Manche, vante la sécurité sanitaire de ses navettes, dans lesquelles les automobilistes embarquent sans quitter leur véhicule. « Il n’y a pas de contact, ils sont dans leur bulle », relève le directeur général Yann Leriche.

Et pour la suite, on ronge son frein. « La tendance 2021 pour les passagers continue dans la même veine », indique le directeur général de DFDS France Jean-Claude Charlo. « Et la nouvelle forme du coronavirus n’est pas faite pour améliorer les choses. »

Les opérateurs s’en sortent mieux avec le fret, malgré une année souvent décrite comme « chaotique ».

– Aide de l’Etat –

La baisse d’activité liée du confinement du printemps 2020 a été suivie d’une reprise progressive, et d’une grosse accélération à la fin de l’année pour cause de stockage côté britannique dans la crainte d’un Brexit sans accord.

Du coup, le nombre de camions transportés par Eurotunnel n’a baissé que de 9% sur l’année, quand il était « à peu de chose près » stable chez DFDS, selon M. Charlo. Au port de Calais, il a reculé de 8%, précise M. Puissesseau.

Le premier trimestre de l’année devrait être morose, le temps que le Royaume-Uni digère ses stocks. Pour la suite, les volumes dépendront du dynamisme de l’économie britannique, la paperasserie supplémentaire liée au Brexit ne devant pas entraver le commerce, selon les opérateurs interrogés par l’AFP.

« Quand on fait du ferry, c’est un savant mélange entre les passagers et le fret, et nos bateaux sont conçus pour recevoir les deux », remarque Jean-Claude Charlo.

« Nous ne gagnons pas d’argent en ne faisant que du fret », ajoute-t-il. « Sans le chômage partiel, ça serait une catastrophe! »

Lui a fait le « pari commercial » de maintenir ses bateaux en circulation, quand Brittany Ferries ou P&O réduisaient la voilure. Ce qui n’empêche pas à DFDS d’avoir « perdu plusieurs dizaines de millions d’euros par rapport à (sa) rentabilité de 2019 ».

« Heureusement que le plan d’aide de l’Etat est là. Il n’est à mon sens pas suffisant », dit M. Charlo.

Devant l’étendue des pertes, les acteurs du Transmanche militent pour un coup de pouce du gouvernement, afin de pouvoir tenir le coup face notamment à la concurrence des ports belges ou néerlandais.

« Il est de la responsabilité de l’Etat de mettre en place un plan de relance nous permettant d’être compétitifs », souligne Jean-Marc Roué, président du conseil de surveillance de Brittany Ferries.

La profession réclame notamment une exonération des charges sociales des navigants pour avoir « un pavillon français plus compétitif ».

Eurostar (filiale de la SNCF) a de son côté demandé une aide du gouvernement britannique au même titre que les compagnies aériennes, disant « se battre pour sa survie ».

liu/mra/tq/pb

DFDS

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