« Le coût du transport maritime des marchandises de la Chine vers l’Europe a atteint récemment des sommets sans précédent », constate Andreas Rees, analyste d’Unicredit.
Le Freightos Baltic Index, un indice qui mesure le prix du transport par conteneurs a presque quadruplé en trois mois pour la route de la Chine vers l’Europe, passant de 2.119 dollars le 1er novembre à 7.827 dollars vendredi.
Celui de la Chine vers la côte ouest des États-Unis est quant à lui passé de 1.638 dollars le 31 mai dernier à 4.286 dollars vendredi.
L’essor de la demande de produits manufacturés en provenance d’Asie est le principal responsable de la flambée des coûts, explique Andreas Ress, en matériel médical d’abord et en biens de consommation ensuite, encouragés par le pouvoir d’achat des ménages qui « réoriente » fortement ses dépenses vers « des équipements électroniques, des meubles, etc. », faute de voyages ou de sorties au restaurant.
En conséquence, « la demande en conteneurs a augmenté de façon exponentielle », constate Jonathan Roach, du courtier spécialisé Braemar ACM, interrogé par l’AFP.
Cette situation prend d’autant plus de court l’industrie qu’elle a été fortement perturbée l’an dernier avec une baisse du commerce maritime mondial de 4,1%, selon une estimation faite en novembre par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).
– Goulet d’étranglement –
Les mesures sanitaires plus strictes à l’intérieur des ports, des centres logistiques ou encore des dépôts de stockage de conteneurs vides, à l’oeuvre dès les débuts de la pandémie de Covid-19, ajoutent toujours leurs grains de sable à chaque étape de la chaîne logistique pour créer in fine de véritables goulets d’étranglement.
« Un retard dans l’expédition des conteneurs vides vers les centres de chargement combiné à une augmentation des demandes de cargaison » et ce sont les prix qui flambent, avance Jonathan Roach.
Le stock de conteneurs étant limité, la chaîne d’approvisionnement se retrouve parfois « rompue », pointent les analystes de Deutsche Bank. De plus, les conteneurs n’ayant pas été déplacés comme à l’habitude l’an dernier ajoutent à la désorganisation puisque nombre d’entre eux se retrouvent désormais « aux mauvais endroits », resserrant davantage l’offre.
Le Brexit est lui aussi venu accélérer ce déséquilibre entre offre et demande, complète un porte-parole de Bimco, la principale association mondiale de transporteurs maritimes contactée par l’AFP, « les détaillants britanniques ayant été contraints d’anticiper fortement leurs besoins car l’incertitude était énorme ».
Plus largement, « les ports du monde entier s’engorgent car ils ne peuvent pas retourner les conteneurs et les navires assez vite, surtout dans des périodes comme celle-ci où les dockers travaillent sous l’impact du Covid-19 et des restrictions qui en découlent », poursuit-il.
– Inflation ? –
La hausse des coûts de transport pèse avant tout sur les entreprises, « reste ensuite à savoir si et dans quelle mesure elles peuvent les répercuter sur les consommateurs », se demande Andreas Ress.
S’il est surveillé de près par les banques centrales à travers le monde, certains économistes alertent sur le risque d’inflation, pour le moment contenue, qui croît à mesure de l’injection massive de liquidité pour maintenir à flot l’économie mondiale.
« À l’heure actuelle, seule une augmentation modérée des coûts de transports sur les prix à la consommation semble probable » poursuit-il, « mais il faut surveiller de près ce phénomène ».
D’ici là, le coût du transport maritime depuis l’Asie aura peut-être diminué. C’est ce à quoi s’attend Jonathan Roach, qui voit « la situation se normaliser à mesure que le déploiement des vaccins s’accélère, probablement vers le milieu de l’année 2021. »
La demande actuelle « supplémentaire » ne traduit pas une « augmentation structurelle » de la demande, conclut-il.
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