L’ex-capitaine du bateau de croisière, le visage fermé et visiblement de mauvaise humeur, était présent au tribunal de Grosseto (Toscane), pour assister à une première audience, présidée par le juge Pietro Molino. Le procès lui-même n’est pas attendu avant l’automne prochain.
Lors de l’audience — la première d’une série de 40 — 200 naufragés ou familles de victimes, associations de défense de l’environnement et institutions dont la mairie du Giglio qui réclame 80 millions d’euros de dédommagement, ont déposé des demandes pour être partie civile.
Outre l’ex-commandant du navire poursuivi pour homicides multiples par imprudence, abandon de navire et dommages à l’environnement, le tribunal de Grosseto doit analyser les responsabilités de cinq autres membres d’équipage ou dirigeants de Costa (groupe américain Carnival).
Le juge Molino devra notamment analyser le rôle du timonier indonésien, Rusli Bin, mis en cause par Schettino pour ne pas avoir compris les ordres qu’il lui aurait donnés. Celui-ci est introuvable.
Le chef de la cellule de crise de Costa Croisières, Roberto Ferrarini, est soupçonné d’avoir contribué à ralentir les opérations de sauvetage, principale cause du lourd bilan du drame.
« Mes clients voudraient comprendre ce qui s’est réellement passé, pourquoi et de qui c’est la faute », a expliqué à l’AFP Massimiliano Valcada, avocat de victimes françaises.
« Ceci ne changera pas ce qui s’est passé lors de cette terrible nuit, mais ils ont besoin de savoir la vérité, pourquoi un proche parent est mort cette nuit-là probablement à cause d’une bêtise », a-t-il ajouté avant d’entrer à l’audience.
L’enquête a montré que le Concordia qui transportait 4.229 personnes dont 3.000 touristes de 70 nationalités, a heurté à grande vitesse un récif devant l’île du Giglio avant de venir s’échouer à une cinquantaine de mètres de la rive.
Le commandant voulait faire exécuter au paquebot un salut à la côte, une manoeuvre tous feux allumés spectaculaire pour les habitants et les passagers.
La plupart des occupants du navire ont pu gagner le rivage grâce à des chaloupes de sauvetage et à l’intervention des garde-côtes. Mais 32 personnes dont une fillette de cinq ans sont mortes noyées quand le navire a basculé sur son flanc ou en tentant de rejoindre la côte à la nage.
Au terme des audiences préliminaires, le juge devra définir les chefs d’accusation et fixer la date du procès.
Grosseto est la ville la plus proche du site de la tragédie où plus d’un an plus tard, le navire fait l’objet d’une opération sans précédent destinée à le redresser, à le faire flotter et à le ramener jusqu’à un port pour le démanteler.
Des dizaines de rescapés ont aussi lancé des poursuites devant des tribunaux civils contre Costa.
La plupart de ceux qui n’ont pas été blessés ni n’ont perdu de proches ont accepté une indemnisation standard d’environ 11.000 euros proposée par Costa.
La compagnie été condamnée mercredi dernier à verser une amende d’un million d’euros au terme d’une procédure négociée où elle a reconnu sa responsabilité administrative (en tant qu’employeur des personnes à l’origine du naufrage) mais qui lui permet de sortir d’un éventuel procès au pénal.
Le pool d’avocats « Justice pour le Concordia » qui représente une centaine de passagers a demandé à être partie civile lundi et réclame 500.000 euros de dédommagement pour chacun des rescapés défendus.
Selon l’un des avocats du collectif, Cesare Bulgheroni, « les procureurs de Grosseto devraient élargir leur enquête aux compagnies » car de son point de vue, le personnel de bord du navire était mal entraîné et la compagnie a trop tardé à déclarer l’abandon du navire, des accusations que Costa a déjà rejetées.
« La compagnie a négligé la sécurité de ses passagers pour augmenter ses profits », a dénoncé lundi John A. Eaves, avocat américain d’environ 150 naufragés.
L’organisation de consommateurs Codacons qui poursuit aussi Costa a rendu public un rapport qui montre que certains équipements dont le système de fermeture des portes permettant de séparer le navire en compartiments étanches n’ont pas fonctionné.
Pour Bruno Neri, un professeur chargé par Codacons de l’expertise, l’ex-commandant Schettino « a été transformé en bouc émissaire ».
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