La France est prête à recourir à des « mesures de rétorsion » si les autorités britanniques continuent à restreindre l’accès des pêcheurs français à ces eaux, a affirmé mardi la ministre.
Ces mesures de rétorsion, inscrites dans l’accord, « nous sommes prêts à les utiliser », a-t-elle déclaré lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, faisant allusion à des répercussions éventuelles sur le « transport d’électricité par câble sous-marin » qui alimente l’île depuis la France.
« Je regrette si on devait en arriver » là, mais « on y sera s’il faut le faire », a ajouté la ministre.
Elle s’est dite « révoltée, c’est le mot » en découvrant, au soir du 30 avril, que de nouvelles conditions d’accès avaient été décidées « unilatéralement » côté britannique.
Selon son ministère, le Royaume-Uni a publié vendredi une liste de 41 navires français autorisés à pêcher dans les eaux de Jersey. Mais cette liste s’accompagne de nouvelles exigences « qui n’ont pas été concertées, discutées ni notifiées avant » dans le cadre de l’accord de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 1er février dernier.
« Si on l’accepte à Jersey, c’est dangereux pour l’ensemble de nos accès » aux poissonneuses eaux britanniques, a-t-elle souligné.
Le ministère de la Mer a signalé à Bruxelles ces nouvelles mesures imprévues, et attend désormais de la Commission, seule habilitée à négocier avec le Royaume-Uni, qu’elle obtienne des « éclaircissements ».
Interrogée par l’AFP, cette dernière a rappelé lundi soir que « toute condition » devait être notifiée avec suffisamment de préavis pour que l’autre partie puisse « commenter ou s’adapter ».
« En outre, de telles conditions ne peuvent pas être discriminatoires envers nos pêcheurs », a-t-elle dit, confirmant que la Commission contacterait les autorités britanniques.
Le député de la Manche Bertrand Sorre (LREM) qui a interpellé Mme Girardin, a cité l’exemple d’un pêcheur de Granville, habitué à pêcher coquilles Saint-Jacques et bulots « en moyenne 40 jours par an » dans les eaux de Jersey.
Il a découvert qu’il pourrait désormais s’y rendre « seulement onze jours » en 2021 « et uniquement pour la coquille, disparu le bulot! » a-t-il rapporté.
– Les licences, outil de pression pour Londres ? –
Parmi les pêcheurs, « la colère gronde et l’envie d’en découdre est palpable », a mis en garde l’élu local.
Il n’y a pas qu’à Jersey que l’application de l’accord se fait dans la douleur. L’accès aux 6-12 milles, ou zones situées entre 6 et 12 milles marins au large des côtes britanniques, très poissonneuses et souvent plus calmes pour naviguer, pose encore problème pour nombre de navires français qui avaient l’habitude de s’y rendre.
Pour les pêcheurs des Hauts-de-France, pour l’instant, la France a reçu 88 licences, sur 163 demandées, et pour leurs collègues de Bretagne Nord, 13 licences pour 40 demandées, selon un dernier point communiqué lundi à l’AFP par le ministère.
A Jersey, les 41 licences accordées sont à rapporter à 344 demandes formulées.
Pour l’île voisine de Guernesey, « on a obtenu le renouvellement des licences jusqu’au mois de juin, il s’agit de 167 licences. Chaque mois, on refait une demande de renouvellement, mais ça ne pose pas de problèmes », a-t-on indiqué de même source.
Déjà, la semaine dernière, par la voix du secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Clément Beaune, la France avait menacé le Royaume-Uni de « mesures de rétorsion » sur les services financiers si l’accord post-Brexit n’était pas mis en oeuvre.
La situation est d’autant plus complexe que Bruxelles et Londres n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord sur l’adoption de quotas de pêche pour les stocks partagés entre l’UE et le Royaume-Uni pour… 2021.
« On imagine aussi que si l’ensemble des licences n’est pas délivré aujourd’hui, c’est parce que ça constitue aussi un moyen de pression de la part des autorités britanniques », déclarait la semaine dernière Jean-Luc Hall, directeur général du comité national des Pêches.