Les conteneurs qui tombent à l’eau, plaie du transport maritime

Paris, 19 mai 2021 (AFP) – Très peu nombreuses, les pertes de conteneurs en mer préoccupent pourtant le transport maritime, qui redoute de fâcheuses conséquences pour l’environnement ou la sécurité, à un moment où le commerce mondial repart en flèche, avec des équipages souvent éreintés par la pandémie.

« Tout conteneur qui tombe à l’eau est un conteneur à l’eau de trop », soulignent les armateurs contactés par l’AFP.

Les chiffres font débat: le World Shipping Council, qui réunit la majorité des armateurs, en a compté un peu plus de 1.700 par an sur la période 2011-2020. Sur 226 millions de conteneurs transportés, soit moins d’un millième de pour cent.

Quelques gros incidents ont fait remonter la moyenne: 4.293 boîtes ont été perdues au cours d’un seul naufrage dans l’océan Indien en 2013, et 1.816 dans une tempête au large d’Hawaii en novembre dernier – dont une soixantaine de conteneurs au contenu estampillé « dangereux »: des feux d’artifice, des batteries, de l’éthanol.

L’année 2021 a mal commencé, deux porte-conteneurs ayant perdu 1.010 boîtes en janvier et février, dans le Pacifique.

« Le chiffre paraît faible par rapport au nombre de conteneurs transportés, mais il est préoccupant », reconnaît Jean-Marc Lacave, délégué général d’Armateurs de France.

« Il y a des enjeux de sécurité, il y a des enjeux environnementaux aussi, donc il faut tout faire pour éviter de faire tomber ces conteneurs à l’eau! »

Nicolas Tamic, responsable des opérations au Centre de documentation de recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre), ne dira pas le contraire, d’autant qu’il conteste les statistiques du World Shipping Council, comme plusieurs ONG.

« Ce sont les chiffres officiels. Après, il y a toutes les autres +boîtes+ qui ne sont pas déclarées. Elles partent au fond de l’eau et on n’en parle plus », affirme-t-il. « On est dans le système du +pas vu pas pris+, on ne déclare que quand on est vraiment obligé de le faire. »

La plupart des chargements coulent, certains conteneurs dérivent et peuvent provoquer des accidents.

– Énorme fatigue –

« C’est souvent au moment du déchargement du navire qu’on se rend compte qu’il manque des boîtes. En général, les navires sont tellement grands qu’on ne voit pas que les boîtes partent à l’eau », ajoute Nicolas Tamic, estimant les pertes totales jusqu’à 15.000 conteneurs par an.

Les plus gros porte-conteneurs peuvent transporter jusqu’à 24.000 boîtes de toutes les couleurs, empilées sur plusieurs niveaux comme dans un jeu de construction.

Là où les choses deviennent plus inquiétantes, c’est que 6 millions de conteneurs sont dangereux sur les 226 millions transportés. Et 1,3 million sont mal déclarés, note-t-il.

Les armateurs rejoignent d’ailleurs les ONG pour se plaindre de mauvaises déclarations du contenu des conteneurs. Les services américains les estiment trompeuses dans 15 à 20% des cas, qu’il s’agisse du poids, du contenu, ou des deux.

Le club mondial des armateurs Bimco reconnaît qu’un système de rapport obligatoire est nécessaire pour les conteneurs passant par-dessus bord.

« Cependant, il est tout aussi important d’éviter de les perdre en premier lieu », souligne-t-il. « Pour restaurer la confiance dans la sécurité du transport de conteneurs avec la flotte actuelle (…), d’autres domaines tels que le routage météorologique, la conception du navire et sa propulsion, ainsi que l’arrimage des conteneurs doivent être aussi pris en considération. »

« Il faut remobiliser la chaîne des acteurs, du chargeur au manutentionnaire et à l’armateur », confirme Jean-Marc Lacave.

Cette chaîne commence au remplissage du conteneur avec de bonnes fixations, son positionnement sur le navire en fonction de son poids et de la nature du chargement -qui doivent donc être bien déclarés pour commencer-, son arrimage, sa surveillance par l’équipage…

« Notre vocation est bien d’amener les hommes, les marchandises et les bateaux à bon port.Il faut que le bateau fasse tout ce qui est possible pour éviter les zones de tempêtes, quitte à rallonger le parcours », ajoute le délégué général d’Armateurs de France.

Si la profession jure que toutes les procédures sont suivies, certaines voix dénoncent des relâchements dus à la pandémie et à la surchauffe actuelle du transport maritime, sur fond de reprise du commerce mondial, en particulier entre l’Asie et les Etats-Unis.

« Il y a des équipages qui n’ont pas mis pied à terre depuis des mois et des mois », remarque Nicolas Tamic au Cedre. « Ca entraîne une énorme fatigue, des erreurs dans le chargement et dans la navigation. »

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