À Halden en Norvège, dans un petit fjord proche de la frontière suédoise, le nouveau câblier du groupe français Nexans flamboie malgré le ciel bas et son équipage s’active à bord pour le préparer pour sa première mission prévue début octobre en Grèce.
« Le navire est conçu pour aller poser des câbles jusqu’à 3.000 mètres, des profondeurs qu’on trouve en Méditerranée notamment, alors que le précédent record de pose était de 1.200 mètres », résume avec fierté Vincent Dessale, directeur des opérations de Nexans qui a participé à la petite cérémonie d’inauguration mercredi.
Deuxième gros navire du groupe, l’Aurora et ses 150 mètres de long sont entièrement dédiés à la pose de câbles électriques sous-marins, qui permettent l’échange d’énergie entre pays ou ramènent vers la terre ferme le courant produit en mer par les éoliennes.
Au centre du bateau, un énorme cylindre jaune de dix mètres de haut prend toute la place : d’épais câbles noirs – qui peuvent atteindre 45 centimètres de diamètre – sont enroulés en spirale, prêts à descendre dans l’eau le long de rampes gigantesque situées à l’arrière.
« Cette table tournante peut supporter 10.000 tonnes de câbles, soit le poids de la Tour Eiffel, il n’y a que deux navires comme ça dans le monde, celui de notre concurrent [italien] Prysmian et le nôtre », précise à l’AFP Christopher Guérin, directeur général de Nexans, ancienne filiale d’Alcatel dont une des usines historiques de fabrication de câbles est située à Halden.
Lorsqu’un câble sera mis à l’eau pendant une opération, un robot l’accompagnera jusqu’au fond, guidé depuis le bateau au centimètre près « car le corridor de pose est très précis », souligne Vincent Dessale : « dans les grandes profondeurs, les câbles sont simplement posés sur le fond. Mais plus près des côtes, à cause des bateaux de pêche par exemple, on creuse des tranchées », explique-t-il.
« Il faut aussi beaucoup d’expérience de la mer et des courants pendant la pose, car le bateau, qui fait 20.000 tonnes, ne doit pas trop bouger, il faut savoir prédire la météo, maîtriser le timing », ajoute le capitaine norvégien Bjarte Sylta.
– Essor de l’éolien en mer –
D’un coût de 170 millions d’euros, l’Aurora a déjà son carnet de commandes quasiment plein jusqu’en 2024, surfant sur l’essor de la demande mondiale en électricité et la montée en puissance de l’éolien en mer, alors que de nombreux pays ont fixé d’ambitieux objectifs pour lutter contre le changement climatique.
« Il y a déjà un million de kilomètres de fibre optique posés dans les fonds sous-marins, et à présent le monde est en train de bâtir l’internet de l’énergie, des autoroutes de l’électricité, pour que les pays puissent interconnecter leurs réseaux électriques » et par exemple s’échanger leurs excédents d’énergie éolienne ou hydro-électrique, met en avant Christopher Guérin.
Avec la crise sanitaire, la demande mondiale d’électricité s’était temporairement tassée, mais elle devrait de nouveau croître en 2021 et en 2022, tirée par la reprise.
Le syndicat professionnel du secteur des câbles, le Sycabel, confirme les bonnes perspectives du marché : « on va vers une électrification générale de nos modes de vie et de nos économies », avec toujours plus de datacenters voraces en énergie et un parc de véhicules électriques en croissance, souligne son président Éric Francey.
Il estime notamment que se profile « une forte demande en éolien en général, et en éolien offshore notamment » suite au cap ambitieux fixé par la Commission européenne d’une multiplication par 25 d’ici 2050 des capacités européennes dans l’éolien en mer, ce qui correspond à un investissement colossal de quelque 800 milliards d’euros.
« On ne sait pas stocker l’énergie, et il faut donc bien la ramener vers les points d’utilisation à terre donc les câbles sous-marins sont incontournables. Et les navires câbliers sont un outil nécessaire de la transition énergétique », estime Éric Francey.
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