« Cette situation pose la question de l’action de nos services diplomatiques et de renseignement dans la connaissance et l’anticipation de cet événement », a relevé le président de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense au Sénat, Christian Cambon (LR).
« Avons-nous réellement été les dupes d’un pacte en construction depuis 18 mois, selon les informations qui émergent aujourd’hui ? Faut-il ajouter cette humiliation au camouflet ? », a-t-il demandé au ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
L’annonce d’un partenariat stratégique entre les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni le 15 septembre s’est soldée par l’annulation d’un mégacontrat de sous-marins français à Canberra.
La France, s’estimant trahie par cette annonce surprise venant de surcroît d’alliés historiques, a rappelé ses ambassadeurs à Washington et Canberra et dénoncé un « mensonge », une « duplicité » et une « rupture majeure de confiance ».
Elle s’emploie depuis à démontrer que ses interlocuteurs australiens n’avaient envoyé aucun signal de leurs intentions et soigneusement dissimulé, tout comme leurs partenaires, ce qui se tramait.
« La ligne médiatique portée par le gouvernement depuis l’annonce de la décision australienne consiste à faire porter l’entière responsabilité sur les autorités australiennes et américaines (..) Quelles étaient les informations exactes qu’avait le gouvernement français tout au long de ces derniers mois? », a également demandé le socialiste Jean-Marc Todeschini.
– « Vicieuse fourchette britannique » –
« Le sentiment c’est que pendant des mois, des semaines, personne, que ce soit ici ou là-bas, ou dans les services d’ambassade, n’a pu entendre, cru, vu ce qui pouvait se passer », a renchéri Rachid Kemal (groupe socialiste).
Cédric Perrin (LR) s’est pour sa part interrogé sur le degré d’engagement du gouvernement en faveur du maintien de la Nouvelle-Calédonie, voisine de l’Australie, au sein de la République française.
« Ne pensez-vous pas que l’absence d’un engagement ferme de l’exécutif en faveur d’une Nouvelle-Calédonie française a largement contribué à envoyer des signaux de désengagement de l’Etat français à nos partenaires australiens ? », a-t-il lancé.
« Cette affaire interpelle l’Australie. Ils se disent +voilà un pays qui ne se soucie pas beaucoup de l’avenir d’un de ses territoires qui est (près) de chez nous+ », a également souligné Christian Cambon.
Jean-Yves Le Drian a réitéré qu’à « aucun moment » les Australiens n’avaient « ouvertement exprimé leur souhait » de rompre le contrat avec la France ni « fait état de discussions avec d’autres partenaires ».
« Ni les Américains ni les Britanniques n’ont pris l’initiative d’une information des autorités françaises », a-t-il ajouté, dénonçant une nouvelle fois une « trahison ».
« Ca c’est passé en tout petit cercle », a-t-il ajouté pour expliquer pourquoi les services de renseignement n’avaient rien vu. Ou alors ces derniers auraient dû « utiliser des méthodes que nous n’utilisons pas », a-t-il dit en référence aux écoutes de chef d’Etat et de gouvernement, y compris entre alliés.
Filant la métaphore « rugbystique », le sénateur centriste Philippe Folliot (UDI) a mis tout le monde d’accord avec son résumé de la crise : « Nous avons reçu un coup de poing australien, un placage à retardement américain et une vicieuse fourchette britannique ».