Le secrétaire d’État britannique chargé du Brexit David Frost s’est rendu jeudi à Paris pour une rencontre d’1H30 avec M. Beaune, qui a qualifié sa venue de « signal positif ».
Leur entretien « a permis la reprise de dialogue », mais « il y a encore beaucoup de travail et des écarts de position importants », a déclaré le secrétaire d’État français. « Ce que nous demandons, c’est l’application de l’accord, ce ne sont pas des exigences nouvelles par rapport à l’accord », a-t-il insisté lors d’un point presse téléphonique.
Paris et Londres sont en conflit sur les licences de pêche accordées aux Européens après le Brexit.
La France menaçait d’interdire dès lundi dernier à minuit aux navires de pêche britanniques de débarquer leurs cargaisons dans les ports français et de renforcer les contrôles douaniers de tous les camions si Londres n’accordait pas davantage de licences aux pêcheurs français. Elle avait finalement provisoirement levé l’ultimatum en attendant la rencontre parisienne.
« Toutes les options sont ouvertes et toutes les options sont possibles », a affirmé M. Beaune jeudi, pour qui les menaces ont « facilité cette reprise du dialogue ».
Londres s’est de son côté montré confiant sur ce sujet. « Je ne crois pas que, dans l’état actuel des choses, les Français iront de l’avant avec les menaces », a déclaré devant la presse un porte-parole du Premier ministre Boris Johnson.
« Ils ont été clairs avec nous, ils ne les mettront pas en oeuvre à court terme, a-t-il poursuivi. Les deux parties ont envie d’approfondir leurs discussions. »
Des propos faisant écho à ceux tenus par Emmanuel Macron lundi. « Ce n’est pas pendant qu’on négocie qu’on va mettre des sanctions », avait défendu le président français devant la presse, en marge de la COP26 à Glasgow, au Royaume-Uni. Dimanche, il avait prôné la « désescalade » après une rencontre avec Boris Johnson.
– « Exigences supplémentaires » –
David Frost doit rencontrer vendredi à Bruxelles le vice-président de la Commission européenne Maros Sefcovic. Il reparlera à Clément Beaune « en début de semaine prochaine », ont déclaré Londres et Paris.
En vertu de l’accord de Brexit, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans certaines eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir. Paris affirme que 200 demandes de licences pour des bateaux français sont en souffrance, un chiffre que Londres conteste.
« Nous avons un problème avec la méthodologie retenue côté britannique pour la délivrance de ces licences, avec un certain nombre de critères qui sont des exigences supplémentaires par rapport à l’accord » du Brexit, « qui nous posent une grande difficulté », a argumenté Clément Beaune.
Parmi celles-ci, Londres exige les localisations GPS des petits bateaux, montrant qu’ils pêchaient dans ses eaux, ce que « les règles européennes n’imposaient pas » avant le retrait du Royaume-Uni de l’UE, selon le secrétaire d’État français. « On ne peut pas fournir des données qui n’existaient pas », a-t-il lancé.
« Je veux souligner que nous ne négocions pas sur le mode d’attribution des licences », lui a répondu le porte-parole de Boris Johnson.
Environ un quart des prises françaises en volume (environ 20% en valeur) proviennent des eaux britanniques, très poissonneuses et qui sont à l’origine de 650 millions d’euros de ventes annuelles pour les pêcheurs européens.
Des discussions sur le sujet avaient lieu mercredi à Bruxelles entre le Royaume-Uni et la Commission européenne, pendant lesquelles a été abordé pour la première fois un autre point sensible, celui des navires de remplacement, à savoir les nouveaux bateaux de pêche français ayant pris la place de plus anciens, selon une source européenne.
Les Britanniques, qui refusaient de les prendre en compte, semblent avoir assoupli leur position, mais ils veulent des garanties selon lesquelles leurs prises ne seront pas supérieures à celles des bateaux qu’ils ont remplacés, a dit cette source à l’AFP.
Dans un souci manifeste d’apaisement, le chalutier écossais Cornelis Gert Jan, immobilisé en France pendant une semaine pour avoir pêché plus de deux tonnes de coquilles Saint-Jacques sans licence, a quitté le port du Havre mercredi en fin d’après-midi.