Face aux difficultés pour obtenir des droits de pêche, notamment de la part des autorités de l’île anglo-normande de Jersey, Mme Girardin a annoncé la préparation de « plans de sortie de flotte » pour indemniser les pêcheurs dont les navires n’obtiendraient pas de licence et resteraient in fine à quai.
L’annonce a fait l’effet d’une bombe aux assises de la mer organisées à Saint-Pol-de-Léon (Finistère), où élus locaux et professionnels ont immédiatement rejeté l’hypothèse d’un « plan massif de destruction des bateaux » pendant que les négociations se poursuivent avec Londres.
Mais aussi dans les ports français dont l’activité dépend largement des eaux britanniques.
« La défaite elle était prévisible (…). C’est un fiasco », a réagi auprès de l’AFP Pascal Delacour, patron d’un chalutier de Granville (Manche), en face de Jersey. « La France a baissé son froc et a abandonné ses jeunes marins car c’est surtout eux qui n’ont pas de licences ».
« C’est n’importe quoi », pour José Pinto, pêcheur à la retraite de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), qui a transmis son bateau à son fils.
L’indemnisation, « ça peut être une solution pour des marins qui partent à la retraite et qui ont des vieux bateaux, mais pas pour les jeunes. Il faut qu’on ait les licences », a-t-il insisté.
Alors que la France a déjà revu à la baisse ses exigences, élaguant au fil des semaines le nombre de licences de pêche demandées, les professionnels ont le sentiment d’un renoncement.
« C’est d’une visibilité dont vous avez besoin. Je vais donc être franche avec vous, il nous faut nous préparer à ces pertes », leur a déclaré la ministre dans la matinée.
Elle a précisé qu' »une enveloppe de 40 à 60 millions d’euros » pourrait « être mise sur la table », abondée par des fonds européens destinés à accompagner les conséquences du Brexit, afin d’indemniser les pêcheurs dont les navires ne pourront pas être repris et finiront à la casse.
– « Le gouvernement baisse pavillon » –
« Le gouvernement est désarmé. Le plan de sortie de flotte, c’est le couperet. Ca veut dire que c’est la fin. (…) Le gouvernement baisse pavillon, alors qu’il avait promis des mesures de rétorsion », reproche le président du comité régional des pêches Hauts-de-France, Olivier Leprêtre.
« Le bras de fer n’est pas perdu, la négociation n’est pas terminée (…). Je ne peux pas entendre qu’on s’embarque dans un plan massif de destruction de bateaux », a déploré le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard.
En vertu de l’accord de Brexit signé fin 2020 entre Londres et Bruxelles, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir.
Dans les zones encore disputées, les gouvernements de Londres et des îles anglo-normandes ont accordé à ce jour près de 220 licences définitives. La France réclame encore quelque 150 licences (contre 170 il y a un mois), selon un décompte de l’AFP.
Désireux de voir la situation se débloquer, Paris a ciblé « en priorité » quelques dizaines de dossiers: ceux des navires dont la survie économique dépend largement de l’accès aux eaux britanniques.
Jeudi, Mme Girardin a fait état d’avancées, notamment avec Guernesey, mais vigoureusement dénoncé l’attitude de l’île voisine, jugeant « évident que Jersey ne respecte pas l’accord Brexit ».
Environ un quart des prises françaises (hors Méditerranée) en volume (environ 20% en valeur) proviennent des eaux britanniques, très poissonneuses.
Alors que des dizaines de licences provisoires expiraient fin septembre, la France avait durci le ton, annonçant des sanctions, notamment une interdiction de débarque pour les bateaux britanniques et des contrôles douaniers renforcés, si aucun progrès n’était fait.
La menace s’était finalement éloignée, notamment après la rencontre entre le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Boris Johnson, mais la crise tend à s’enliser.