Les pêcheurs, à bord de plusieurs dizaines de fourgonnettes et voitures, ont commencé à bloquer à 14H00 l’entrée et la sortie des camions de marchandises au terminal fret du tunnel sous la Manche. Quelques minutes après le début de cette opération, qui doit durer jusqu’à 16H00, un bouchon d’une quinzaine de camions était déjà formé.
A Ouistreham, au même moment, plusieurs chalutiers ont empêché un ferry de quitter le port. A terre, une quarantaine de pêcheurs manifestaient sous une banderole « we want our licences back », lançant des fumigènes. Ils ont aussi bloqué l’embarquement sur le prochain ferry.
Symbolique sur les ports, l’initiative est plus perturbante pour le tunnel exploité par Eurotunnel par lequel transitent 25% des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Europe.
Plus tôt dans la journée, six navires de pêche venus de Boulogne-sur-Mer s’étaient déployés de 12H à 13H30 à Calais pour bloquer le port.
Il s’agit de « mettre la pression sur le gouvernement britannique », a souligné le président du comité des pêches des Hauts-de-France, Olivier Leprêtre. Il a notamment dénoncé la « surexploitation dans les eaux françaises » engendrée selon lui par l’attitude britannique, chiffrant à 35 les licences de pêche non-délivrées dans les Hauts-de-France.
– « Sur le carreau » –
Le président du port, Jean-Marc Puissesseau a précisé qu’il ne porterait pas plainte pour cette action, sans gros impact. Les pêcheurs se sont engagés à « ne pas attenter au chiffre d’affaires des uns et des autres », a-t-il souligné.
A Saint-Malo, le blocage avait duré environ une heure, de 8H00 à 9H00, avec une dizaine de bateaux de pêche participant à l’opération, actionnant des fumigènes. Les navires français ont bloqué un bateau de pêche venant de Jersey, dans une atmosphère bon enfant.
« On n’est pas des va-t-en guerre, on veut qu’on respecte nos droits, un deal a été fait, le deal anglais n’est pas respecté », a déclaré Pascal Leclerc, président du comité des pêches d’Ile-et-Vilaine.
« Nous ne voulons pas l’aumône, nous voulons seulement récupérer nos licences. Le Royaume-Uni doit respecter l’accord post-Brexit. Trop de pêcheurs sont encore sur le carreau », a insisté jeudi Gérard Romiti, le président du comité national des pêches lors d’une conférence de presse.
– « L’arbre qui cache la forêt » –
Londres a réagi dès jeudi soir à ces blocages annoncés, qui surviennent en pleine escalade entre la France et la Grande-Bretagne autour de la question migratoire.
Le Royaume-Uni s’est dit « déçu », enjoignant la France à « s’assurer que des actes illégaux ne sont pas commis et que les échanges commerciaux ne sont pas affectés ».
Pour M. Romiti, « cette question des licences est l’arbre qui cache la forêt: de sa résolution dépendront les relations avec le Royaume-Uni sur le long terme ».
Tout en questionnant la robustesse de l’engagement européen aux côtés des pêcheurs de l’UE, Gérard Romiti a salué « l’ultimatum » lancé mercredi par la Commission européenne, qui a demandé à Londres de régler ce contentieux d’ici au 10 décembre.
En vertu de l’accord de Brexit signé fin 2020 entre Londres et Bruxelles, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir.
Au total, depuis le 1er janvier 2021, la France a obtenu « plus de 960 licences » de pêches dans les eaux britanniques et des îles anglo-normandes, mais Paris réclame encore plus de 150 autorisations.
Dans ce dossier brûlant, le ton est monté à plusieurs reprises. En mai dernier, une flottille française a fait cap sur Jersey pour un blocus de quelques heures. A l’automne, Paris a menacé Londres de « mesures de rétorsion », avant d’y renoncer provisoirement pour laisser une chance aux négociations engagées à Bruxelles.
Les pêcheurs français se sentent aujourd’hui confortés par le soutien renouvelé dimanche dernier du président Emmanuel Macron, qui a assuré qu’il se battrait jusqu’au bout pour défendre leurs intérêts.
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