« La Commission et le Royaume-Uni se sont mutuellement engagés à faire aboutir leurs pourparlers pour une conclusion réussie aujourd’hui », a déclaré la porte-parole de l’exécutif européen Vivian Loonela à la presse.
« Les discussions continueront jusqu’à tard aujourd’hui. Nous avons une compréhension mutuelle, il faut maintenant y arriver », a-t-elle insisté.
Depuis plus de onze mois, Français et Britanniques se disputent sur les modalités d’application de l’accord de commerce conclu après le Brexit entre Londres et Bruxelles et qui fixe les conditions d’accès aux eaux britanniques pour les pêcheurs européens.
Environ un quart des prises françaises (hors Méditerranée) en volume (environ 20% en valeur) proviennent des eaux britanniques, très poissonneuses et qui sont à l’origine de 650 millions d’euros de ventes annuelles pour les pêcheurs de l’UE.
Sous la pression de Paris, la Commission a demandé fin novembre à Londres de régler le litige des licences de pêches avant ce vendredi 10 décembre. Jeudi soir, le Royaume-Uni a sèchement rejeté cette échéance, tandis que Paris réclame un arbitrage européen.
Si les Britanniques « campent sur leur position, nous demanderons à la Commission européenne, dans le week-end, d’annoncer qu’un contentieux est engagé », a confirmé vendredi matin le secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune.
« Il n’y aura pas, je le dis très clairement, toutes les licences auxquelles nous avons droit d’ici ce soir », a-t-il regretté.
Mais « si les Britanniques aujourd’hui disent +on donne quelques dizaines de licences supplémentaires+ comme geste de bonne volonté, pour montrer que le dialogue porte ses fruits et qu’on a intérêt à le continuer encore, nous en tiendrons compte », a-t-il expliqué.
– « Aucune visibilité » –
La France a obtenu 1.004 licences de pêche post-Brexit et en « attend encore 104 », selon le ministère français de la Mer.
Tout en saluant le travail constructif mené avec l’île anglo-normande de Guernesey, qui a délivré début décembre une quarantaine de licences, la ministre française de la Mer Annick Girardin a regretté jeudi la délivrance d’autorisations au compte-goutte par Jersey et surtout déploré les « manoeuvres dilatoires » du Royaume-Uni.
Sur les côtes françaises de la Manche, les pêcheurs sont à bout de patience. Ils ont répété avoir fourni « tous les documents exigés » pour prouver qu’ils pêchaient dans les eaux britanniques auparavant, dans les périodes de référence exigées par Londres et les îles anglo-normandes.
C’est dans la zone située entre 6 et 12 milles au large des côtes britanniques que manque désormais le plus grand nombre de licences françaises. Les discussions achoppent en particulier sur le sort de 40 navires remplaçants – de nouveaux bateaux achetés par les pêcheurs en renouvellement de leur flotte -, des dossiers dont Londres refuse de considérer l’antériorité.
« On n’a aucune visibilité, tempête Loic Escoffier, armateur malouin (de Saint-Malo) qui a trois bateaux, voudrait en remplacer un et en passer un autre en « propulsion hydrogène ou hybride pour la transition écologique ».
« Tout cela est remis en cause. Un bateau prêt à naviguer, c’est 1,5 million d’euros, il faut être sûr de soi », a-t-il expliqué à l’AFP.
Dans ce dossier de la pêche, le ton est déjà monté à plusieurs reprises: un blocus de Jersey par les pêcheurs français en mai dernier; des menaces françaises de sanctions en octobre; et plus récemment, le blocage par les pêcheurs français de ports et du terminal fret du tunnel sous la Manche, par lequel transitent 25% des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Europe.
Au-delà de la question des licences, celle des modalités de pêche et des quotas s’annonce aussi très dure. « Si la France temporise pour des raisons politiques ou diplomatiques », a prévenu Bruno Dachicourt, du syndicat national des marins-pêcheurs CFTC, les pêcheurs n’excluent pas « de nouvelles actions ».