Pêche en eau profonde: l’Europe veut resserer les mailles du filet

Le Parlement européen doit examiner début décembre un projet de règlementation adopté par sa commission pêche dont l’objectif est de geler « l’empreinte de pêche » du chalutage en eau profonde en le cantonnant dans des zones strictement définies. Ainsi les écosystèmes les plus vulnérables seront préservés dans des zones interdites à la pêche.

Ce projet de règlement prévoit également une évaluation scientifique de la situation des espèces et des fonds marins au bout de quatre ans, et une possible révision de la réglementation dans 5 ans, si une dégradation de l’écosystème était avérée dans cette zone.

Il ne reprend pas la proposition de la Commission européenne, soutenue par les écologistes, d’interdire dans les deux ans cette technique de pêche qui permet d’exploiter des fonds situés entre 400 et 1.000 mètres de profondeur, voire 1.200 mètres.

On en remonte de la lingue bleue, du grenadier de roche ou du sabre noir. Ces zones sont majoritairement dans la zone Nord Écosse, selon Fabien Dulon, directeur général de Scapêche (Enseigne Intermarché), l’une des trois entreprises à pratiquer cette pêche.

Le chalutage profond est comparé à « l’action d’ un bulldozer dans un jardin », par Les Watling, chercheur à l’université de Hawaï et un des spécialistes mondiaux des grands fonds.

Les ONG bataillent depuis des années pour une interdiction pure et simple de ces pratiques jugées « destructrices », car elles laminent les fonds marins et détruisent de manière irréversible des populations de poissons.

« Des espèces sont menacées d’extinction », assure l’association Bloom, tête de pont de la contestation de cette pêche. Notamment des espèces fragiles des profondeurs, dont la croissance est lente et la reproduction tardive, et qui souvent constituent les 20 à 40% de prises dites accessoires non désirées.

« niveau soutenable »

Ce chalutage reste très minoritaire (moins de 1,5% des prises dans l’UE) et est pratiqué surtout par l’Espagne, la France et le Portugal.

Le projet prévoit désormais de limiter et d’encadrer strictement cette pêche. Notamment à la lumière d’une évaluation du Conseil international pour l’exploitation de la mer (CIEM), un organisme qui fédère 1.600 scientifiques et coordonne la recherche sur les ressources et l’environnement marins.

Si le Ciem reconnaît une « surexploitation (des eaux profondes, NDLR) au début des années 2000 », il assure, dans un diagnostic publié en 2012, que « l’exploitation des stocks de poissons profonds a été amenée à un niveau soutenable » après des mesures prises en 2003. « Cette amélioration montre que les effets positifs d’une gestion appropriée peuvent se faire sentir assez vite », note l’Ifremer qui participe au Conseil.

En France, ce chalutage représente l’activité d’au moins 400 navires de pêche, petits ou grands, selon Hubert Carré, président du Comité national des Pêches (CNPMEM). Et environ 500 emplois directs auraient été menacés en France par une interdiction, selon le ministère de la Pêche.

Faux, rétorque Claire Novian, porte-parole de Bloom, convaincue que « cette méthode de pêche ne profite à personne, qu’elle coûte cher en subventions et en destruction de la biodiversité marine »: 9 navires seulement, soit 0,1% de la flotte française, réalisent 98,5% des captures en eaux profondes.

Sachant que plus de 50% des espèces dites d’eau profonde vivent au-dessus des 200 mètres de profondeur, ce ne sont pas seulement les grands navires hauturiers qui sont concernés par ce compromis, mais aussi la pêche artisanale, explique M. Carré.

L’eurodéputée française Isabelle Thomas juge que la commission pêche du Parlement européen « a fait preuve de sagesse » et se réjouit que « dans un contexte où la Bretagne doit relever le défi du maintien de l’emploi (…) la dimension sociale ait été déterminante dans la proposition de règlement ».

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