Bruxelles – Avant l’audition publique organisée demain par le Parlement européen sur la mise en œuvre et les perspectives d’avenir de la politique commune de la pêche (PCP), les ONG demandent aux institutions de l’UE et aux États membres de mieux respecter et faire appliquer les règles de la PCP, plutôt que d’envisager, à ce stade, une réforme.
Vera Coelho, Directrice Senior du plaidoyer pour Oceana Europe, a déclaré : « La politique commune de la pêche est adaptée à son objectif, mais les États membres et les institutions de l’UE ne parviennent pas à l’appliquer correctement. S’engager dans une nouvelle réforme détournerait l’attention de la prise de mesures nécessaires pour respecter les engagements de la PCP, à savoir mettre fin à la surpêche, gérer les pêcheries en fonction des limites de l’écosystème et promouvoir les avantages socio-économiques. Dans le contexte des crises écologiques actuelles et alors que la surpêche se poursuit, nous n’avons pas le temps pour de telles distractions. »
Alors qu’elle est en vigueur depuis 2014, la mauvaise mise en œuvre de la PCP par l’UE et ses Etats membres empêche d’atteindre ses objectifs de pêche durable en Europe. Par exemple, 43 % des stocks de poissons de l’Atlantique Nord-Est et 83 % de ceux de la Méditerranée font encore l’objet d’une surpêche [i].
Les ONG demandent des solutions concrètes pour relever de toute urgence les défis de la mise en œuvre de la PCP. Par exemple, le Conseil de l’UE, les gouvernements nationaux et les pêcheurs devraient travailler ensemble et suivre les avis scientifiques pour mettre fin à la surpêche, effectuer une transition équitable (en termes socio-économiques) vers des pêcheries à faible impact afin d’atténuer les effets négatifs de cette activité sur les écosystèmes (par exemple, les prises accessoires d’espèces menacées), et inclure une composante climatique dans la gestion de la pêche (par exemple, réduire l’impact du secteur de la pêche sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre).
Rebecca Hubbard, directrice du programme Our Fish, a déclaré : « Bien que la législation européenne sur la pêche ne mentionne pas le changement climatique, elle demande que les impacts environnementaux de la pêche soient minimisés, ce qui inclut clairement les impacts climatiques, dont la flotte de pêche de l’UE est victime. Donc, à ce stade, nous avons besoin que les États membres de l’UE et les députés européens appliquent davantage les lois déjà adoptées, et fassent moins de bla-bla sur de potentielles améliorations. »
Avant d’envisager toute réforme de la PCP, les ONG affirment que la Commission européenne et les États membres de l’UE devraient utiliser les outils déjà disponibles dans le règlement actuel et dans d’autres instruments juridiques pour mettre en œuvre et faire correctement respecter les règles. La Commission, par exemple, devrait user de son pouvoir pour lancer davantage d’actions législatives et politiques, y compris des procédures d’infraction contre les pays qui ne respectent pas les règles.
Antonia Leroy, responsable des politiques océaniques au bureau européen du WWF, a ajouté : « Il serait prématuré de considérer les objectifs de la PCP comme inadéquats alors que certains de ces objectifs, et certains outils clés pour les atteindre, restent généralement négligés. Par exemple, il est temps de dédier des quotas spécifiques aux pêcheurs qui s’efforcent de minimiser leur impact sur les écosystèmes marins, tout en s’assurant qu’ils bénéficient d’un niveau de vie durable, comme le demande la PCP. »
Cette audition publique alimentera un rapport d’initiative, présenté par le député Gabriel Mato au nom du Parlement Européen (PE), et exprimera la position du PE sur la PCP et son avenir. En parallèle, la Commission Européenne prépare un autre rapport sur le fonctionnement de la PCP, attendu pour la fin du mois de décembre, qui déterminera l’avenir de cette politique.
En plus de son rôle législatif, le Parlement Européen est censé exercer un contrôle démocratique en matière de protection de l’environnement marin. Dans ce contexte, il est essentiel que le PE examine les progrès accomplis pour mettre fin à la surpêche et la situation des stocks de poissons, ainsi que le fonctionnement de la politique de la pêche dans son ensemble [ii].
La Commission Européenne est tenue de produire régulièrement des rapports au PE sur, par exemple, les zones de reconstitution des stocks de poissons ou l’ajustement et la gestion de la capacité de pêche des flottes de l’UE [iii]. En outre, le Parlement a le pouvoir de contrôler les actes délégués (non législatifs) proposés par la Commission, par exemple concernant la gestion de la pêche dans les aires marines protégées [iv].
La politique commune de la pêche est un ensemble de règles concernant la gestion des flottes de pêche européennes et la conservation des stocks de poissons. Elle a été réformée en 2013 pour permettre à l’UE d’atteindre la durabilité, avec des objectifs ambitieux et des échéances concrètes. Au cours de la dernière décennie, cela a conduit à une réduction du taux de surpêche de certaines espèces et à une augmentation de la rentabilité nette de la flotte de l’UE (alors qu’elle n’était que marginalement rentable en 2008).
Toutefois, l’UE n’a pas respecté l’engagement juridique, pris dans le cadre de la PCP, de mettre fin à la surpêche de tous les stocks poissons d’ici 2020, en dépit des avertissements répétés des ONG et des rapports scientifiques confirmant que la trajectoire n’était pas la bonne [v].
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