« Imaginer qu’avec une proposition de peine comme ça, ça puisse passer l’homologation, (…), c’est quasiment un outrage a magistrat ! (…) J’ai juste, comme disent les jeunes, halluciné », a dit Isabelle Prévost-Desprez le 25 septembre, selon « Ministère de l’injustice », livre des journalistes Jean-Michel Décugis, Pauline Guena et Marc Leplongeon (ed. Grasset), paru mercredi.
Ces propos auraient été tenus de manière non-publique, lors d’une formation pour avocats de l’Institut de défense pénale, à Marseille.
Sollicitée par l’AFP sur ces citations, la juge n’a pas souhaité commenter. Deux participants au colloque ont confirmé à l’AFP la teneur globale des propos, prononcés selon eux sur un ton léger.
La juge, notoirement opposée à cette justice négociée en matière financière, a affirmé avoir été désignée comme « emmerdeuse ».
« Voilà qu’on (ndlr: le PNF) travaille, qu’on négocie, qu’on discute, pense-t-on, à pied d’égalité avec un capitaine d’industrie, on arrive à quelque chose de joli, normalement ça devrait passer et ça passe pas (…) J’en suis désolée mais la réalité, c’est que ce n’est pas le procureur qui décide », a-t-elle lancé, d’après le livre.
Elle a justifié sa non-homologation des peines par le fait que ces « personnes physiques identifiées », M. Bolloré et deux hauts responsables de son groupe, « visiblement ne collabor(aient) pas du tout, du tout, du tout à l’enquête ».
« Ces dirigeants de société qui ont commis des actes de corruption à l’étranger (…). Bon franchement, quel est le souci de les virer ? », a-t-elle aussi demandé.
Mme Prévost-Deprez, 62 ans, avait homologué fin février 2021 à Paris une Convention judiciaire d’intérêt public (Cjip) par laquelle le groupe Bolloré avait payé 12 millions d’euros d’amende en échange de l’abandon des poursuites.
La juge avait ensuite refusé d’homologuer les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) de Vincent Bolloré, Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré, et Jean-Philippe Dorent, directeur international de l’agence de communication Havas (filiale de Bolloré).
L’accord, finalement refusé, prévoyait le paiement d’une amende 375.000 euros chacun pour clore le volet judiciaire, sans inscription au casier judiciaire.
La juge d’instruction Aude Buresi, à qui le dossier est depuis retourné, pourrait décider d’un prochain procès en correctionnelle.
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