« P&O Ferries n’est pas une entreprise viable. Nous avons fait une perte de 100 millions de livres sur un an (près de 120 millions d’euros), couverte par notre maison mère DP World », un opérateur portuaire basé à Dubaï, a justifié l’entreprise dans un communiqué transmis à l’AFP.
« Notre survie dépend de changements rapides et significatifs », a insisté dans son communiqué l’entreprise, qui a fortement souffert de la pandémie et de l’annihilation du tourisme et des voyages internationaux.
La décision de licencier 800 marins, sur 3.000 salariés au total, est « très difficile mais nécessaire » et a été prise « après avoir sérieusement examiné toutes les options », ajoute P&O, dont les origines remontent à 180 an.
Avec son siège situé à Douvres, en Angleterre, elle opère des liaisons entre la France, la Grande-Bretagne, l’Irlande et les Pays-Bas et revendique 10 millions de passagers par an.
– Escortes et menottes –
A Calais, la direction locale de P&O Ferries avait annoncé plus tôt lors d’un comité social et économique (CSE) extraordinaire « le licenciement de 800 marins britanniques » qui doivent être « remplacés par des marins colombiens et des intérimaires, pour réduire de 50% la masse salariale », selon une source syndicale à l’AFP.
Les dirigeants locaux ont « lu un communiqué de la direction britannique, nous n’en savons pas plus », avait ajouté cette source, soulignant « qu’aucun salarié n’est touché en France ».
Selon cette source, à Douvres, « des agents de sécurité ont escorté » le personnel hors des installations de la compagnie, et « 100 Colombiens et 40 intérimaires ont été escortés » en vue d’embarquer à bord des ferries du groupe stationnés dans le port britannique.
Mais d’autres marins continuaient d’occuper leur navire dans le port de Hull (nord-est de l’Angleterre), a assuré Karl Turner, un député britannique de la circonscription, sur Twitter.
Le syndicat RMT, qui a appelé ses membres à ne pas quitter les navires, rapporte dans un communiqué que « des agents de sécurité équipés de menottes embarquent sur les navires » pour déloger les équipages, notamment à Douvres.
Il appelle à « une mobilisation de masse », ajoutant prévoir « une action en justice urgente ».
– « Méprisable » –
Les réactions indignées de syndicats ou de politiques pleuvaient jeudi après-midi sur le réseau social, l’ancien dirigeant du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, dénonçant ainsi « une action méprisable » de P&O.
Mike Kane, responsable du parti travailliste pour les affaires maritimes, a quant à lui qualifié l’annonce de « comportement absolument dégoûtant et insensible ».
Selon le syndicat britannique d’employés des transports TSSA, P&O Ferries encourage le personnel licencié à postuler aux agences d’interim pour les mêmes postes, dénonçant une stratégie « conçue pour réduire les salaires et diminuer les conditions de travail de leur personnel ».
« Dans n’importe quel pays civilisé, ces actions seraient non seulement illégales mais sévèrement répréhensibles. Malheureusement, je doute que le gouvernement conservateur lève le petit doigt », a lancé le secrétaire général du syndicat Manuel Cortes.
Le syndicat Unite a de son côté appelé P&O a renoncer à ces « licenciements sauvages », ajoutant que l’annonce avait « envoyé des ondes de choc dans le secteur de la navigation au Royaume-Uni ».
« Je suis très préoccupé par les nouvelles venant de P&O Ferries ce matin et nous discuterons avec l’entreprise aujourd’hui pour comprendre l’impact sur les travailleurs et passagers », a réagi le ministre des Transports Grant Shapps sur Twitter.
P&O avait annoncé jeudi matin la suspension de son trafic dans l’attente « d’une annonce », et cet arrêt de service se poursuivra « au cours des prochains jours », a précisé l’entreprise sur Twitter, invitant les passagers se tourner vers d’autres opérateurs.
P&O Ferries, qui appartient à DP World, l’un des plus grands opérateurs portuaires du monde basé à Dubaï, avait déjà annoncé en mai 2020 le licenciement d’environ 1.100 personnes dans le cadre d’un plan visant à rendre l’entreprise « viable et durable » face à la pandémie.
L’entreprise a donc réduit de près de moitié ses effectifs en quasi deux ans.
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