Loi de programmation militaire : la Cour des comptes fait un premier bilan et émet des recommandations

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Après plus d’un quart de siècle de réduction de l’effort de dépense et du format des armées, la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 a prévu de porter la part des dépenses militaires à 2% du PIB en 2025 et de créer 6 000 emplois. Cette trajectoire budgétaire de croissance, qui vise à régénérer le capital opérationnel des armées et constitue une première étape vers un « modèle d’armée complet et équilibré », s’inscrit dans un contexte international désormais marqué par le conflit en Ukraine. En raison de ce contexte géopolitique qui fait peser des menaces nouvelles sur le continent européen, et de la compétition stratégique accrue entre les principales puissances mondiales, il ne fait guère de doute que l’actuelle programmation militaire devra être révisée. Le rapport publié ce jour par la Cour des comptes dresse un bilan des trois premières années d’exécution de la LPM 2019-2025, et formule trois grands axes de recommandation.

Une exécution budgétaire conforme à la programmation pour la première fois depuis deux décennies

Le bilan de l’exécution budgétaire des trois premières années de la LPM est positif : l’augmentation effective des crédits de paiement – 40,9 milliards d’euros en 2022 contre 35,9 milliards d’euros en 2019 – et celle, plus forte, des autorisations d’engagement, ont permis aux armées de mettre l’accent sur l’équipement des forces et d’augmenter les effectifs d’environ 1 000 postes (après une décennie marquée par plus de 60 000 suppressions d’emplois). Le financement des nouveaux besoins non programmés, notamment dans le domaine spatial et dans le cyberespace, ainsi que les effets de la crise sanitaire ont pu, à ce stade, être gérés à budget inchangé, sans effet d’éviction sur les autres programmes d’armements. Néanmoins, des risques demeurent s’agissant de la soutenabilité de la trajectoire budgétaire de la LPM, ce qui pourrait causer l’éviction de certains investissements programmés. Le fait que la plus grande partie de l’effort d’augmentation des budgets et des effectifs ait été programmée au-delà de 2023 fait peser un risque important sur la fin de la période. Par ailleurs, le remplacement des avions Rafale prélevés pour fournir les contrats à l’exportation crée des besoins budgétaires nouveaux qu’il faudra financer.

Des capacités militaires fortement employées mais encore fragiles

Depuis 2019, les armées ont été fortement engagées sur le territoire national métropolitain et outre-mer, comme en opérations extérieures : elles interviennent dans le cadre de deux opérations extérieures majeures au Sahel et au Levant, maintiennent de nombreux déploiements pour la prévention des crises et assument les postures permanentes de dissuasion nucléaire, de protection du territoire, ainsi que la mission Sentinelle de lutte contre le terrorisme depuis 2015. Or, cette sollicitation opérationnelle très forte n’est pas sans conséquences sur l’entraînement des forces et sur la disponibilité des matériels. La Cour souligne qu’à ce jour, les objectifs fixés sur ces deux plans par la LPM au titre de la régénération des armées ne sont pas atteints. Par ailleurs, les armées pâtissent d’un déficit de compétences dans certains domaines, que les récentes augmentations d’effectifs n’ont pas encore pu combler. Enfin, dans la perspective d’une coalition menée dans le cadre d’une opération majeure de haute intensité face à un adversaire étatique, le volume des équipements et le niveau de préparation des armées ne paraissent pas encore suffisants.

Des choix nécessaires

La programmation militaire se heurte aujourd’hui à un double défi. En effet, la nécessité de réduire le déficit public à moins de 3 % du PIB, dans un contexte de dégradation des finances publiques, rend plus incertaine la poursuite de l’augmentation du budget de la défense initiée par la LPM 2019-2025. Par ailleurs, l’accélération et la diversification des menaces suscitent de nouveaux besoins qui n’étaient pas prévus dans cette LPM. L’amélioration de la conduite des programmes d’armement devra se poursuivre pour devenir plus réactive, plus adaptable et plus prompte à capter l’innovation.

Dans ce contexte, le ministère des armées est appelé à mieux identifier et exploiter les marges de manœuvre qui peuvent se présenter à lui, et, le cas échéant, entamer une nouvelle réflexion sur le modèle de l’armée lui-même. Afin que ces choix fondamentaux soient effectués dans les meilleures conditions possibles, la Cour a suggéré trois scenarii et souligné que le processus de décision du ministère des armées pourrait être amélioré par un renforcement des capacités d’anticipation à long terme, et par une meilleure information des décideurs politiques – notamment du Parlement. 

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