Oubliée la Caspienne, le caviar est aujourd’hui Made in France ou China

De nouvelles boîtes remplies des précieux oeufs noirs viennent d’arriver dans les ateliers parisiens de Petrossian. Armen Petrossian, qui a repris la maison fondée en 1920 par son père et son oncle, plonge sa spatule en bois et goûte, comme chaque jour. Ces boîtes seront en boutique pour les fêtes de fin d’année, 30% des ventes.

« Il y a deux métiers dans le caviar », raconte Armen Petrossian: « la production de la matière première dans les fermes d’élevage, ou avant dans la Mer Caspienne, et la sublimation de la matière première, ma spécialité ».

Le sexagénaire, noeud papillon et moustaches en guidon de vélo, observe la brillance de l’oeuf, qui doit « capter la lumière comme un diamant avec ses petites facettes », le touche (l’oeuf doit avoir une certaine résistance quand on le presse), le sent et bien sûr le goûte. Il met une note au caviar, puis le stocke, et le regoûte tous les 15 jours. « Nous devons deviner comment chaque caviar va vieillir, (…) et l’amener à développer ses arômes », explique Armen Petrossian, qui préside l’International caviar importers association.

Sa maison représente 15% de la production mondiale, affirme-t-il. Elle a des contrats d’achat avec des fermes du monde entier, mais surtout, avec les plus grands producteurs, Etats-Unis, Chine, France et Italie. « L’important n’est pas l’origine, mais de comparer les différentes espèces », martèle-t-il depuis des années.

« Avant, je vendais les trois esturgeons de la Caspienne. (…) Maintenant, chaque pays a différents types d’esturgeons et je veux l’éventail de ce qui existe ».

Tous ces pays ont développé l’élevage depuis l’interdiction, en 1998 de la pêche d’esturgeons sauvage dans la mer Caspienne après des années d’excès qui menaçait le poisson trop convoité de disparition.

La Russie et l’Iran, qui dominaient le marché, ont eux pris du retard dans l’élevage. « Mais ce n’est qu’une question de temps » car il faut plusieurs années après le démarrage de l’élevage pour pouvoir exploiter les oeufs, explique M. Petrossian.

150 tonnes par an

La Russie produit d’ailleurs maintenant une vingtaine de tonnes par an et la maison Petrossian va commencer à acheter des oeufs russes pour le marché américain.

En 1998, 300 tonnes de caviar sauvage étaient produites chaque année, contre aujourd’hui, environ 150 tonnes de caviar d’élevage. Armen Petrossian ne doute pas que la production va augmenter, avec l’arrivée sur le marché des oeufs de nouveaux élevages.

Quid de la qualité ? « Tous les caviars ne sont pas égaux. Mais certaines espèces sont comparables aux sauvages, et je ne me risquerais pas à faire des dégustations à l’aveugle », affirme l’expert.

Et si beaucoup envisagent une démocratisation du caviar, pour Armen Petrossian, il ne faut pas s’attendre à une baisse des prix car « la demande augmente en même temps que l’offre ». La Chine, par exemple, en consomme de plus en plus.

Il affirme ne pas avoir jusqu’ici ressenti la crise en France. « Le caviar, on se l’offre pour une petite fête, une fois dans l’année », explique-t-il. Petrossian propose des petites boîtes, à une vingtaine d’euros (12 gr) ou à 50 euros pour deux. « Bien sûr que j’ai des clients de la classe moyenne! », lâche-t-il.

Armen Petrossian a aussi des « clients particuliers ». « Nous connaissons parfaitement les goûts de certains d’entre eux. Nous les appelons quand un caviar leur correspond », explique-t-il.

Et pour l’élite, Petrossian vient de lancer sa boite de 10kg. « Le prix est sur demande ».

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