Le calvaire d’un équipage indonésien échoué au port du Cap

Sans argent ni papier, l’équipage campe dans des cabines sans air aux matelas puant le diesel sur les sept chalutiers fantômes confisqués par les autorités sud-africaines.

Battant pavillon taïwanais, les bateaux ont tout l’aspect d’une épave et le récit des marins à bord, amaigris et mal vêtus, en dit long sur les conditions inhumaines qui leur ont été faites depuis leur recrutement à Djakarta.

Partis avec la promesse de gagner « beaucoup d’argent », ils se sont retrouvés, selon certains, jusqu’à 37 mois en mer sans salaire et mal nourris, avant d’échouer en Afrique du Sud d’où ils ne peuvent pas repartir.

« L’agent m’a dit que je gagnerais 200 dollars dont la moitié irait à l’agence. Deux semaines plus tard, j’étais sur un bateau qui m’a conduit sur un chalutier en plein océan. J’ai été transféré et j’ai commencé à travailler », raconte l’un d’eux à l’AFP.

« On pouvait commencer la journée à 02h00 du matin et travailler toute la journée jusqu’à 22h00 le soir. Et recommencer le lendemain à 02h00 du matin », ajoute un autre.

Aucun ne veut donner son nom par peur de représailles de la part des bureaux de recrutement indonésiens contre leurs familles au pays.

Un autre marin, âgé de 44 ans dit qu’il a été transféré d’un bateau à l’autre pendant 37 mois à chaque fois que le contrat se terminait, sans jamais toucher son salaire.

Depuis trois mois, ils survivent grâce à la charité d’une association musulmane locale. L’électricité leur a été coupé, de même que l’eau potable, tandis le ministère sud-africain de la Pêche restait injoignable malgré maintes tentatives de l’AFP pour savoir ce qu’il devrait advenir de ces forçats de la mer.

Ils racontent aussi que l’ordre leur a été donné un jour de repeindre et de changer le nom de leur bateau à cinq reprises pour tromper les autorités maritimes, et qu’ils ont pêché, outre du thon en quantité illégale, d’autres espèces, espadons, requins, dauphins, en totale contravention avec la réglementation.

« C’est un cas flagrant d’abus et de trafic d’êtres humains », s’indigne Cassiem Augustus, un inspecteur maritime pour la fédération des travailleurs du transport (ITWF). « Ils ont été abandonnés par leurs agents et personne ne sait qui sont les propriétaires des bateaux ».

A l’intérieur des chalutiers, ils avaient un toilette pour douze hommes et un robinet d’eau potable, le même utilisé alternativement pour le carburant.

Les chalutiers étaient ravitaillé en mer par une embarcation mère et n’ont cessé de naviguer au large des côtes africaines, Ile Maurice, Mozambique, Ghana et Afrique du Sud, mouillant dans les ports uniquement pour faire des réparations.

« Ce sont des conditions inhumaines. Aucun de ces hommes n’a été payé un centime malgré 20 heures de travail par jour. C’est de l’esclavage en mer », ajoute-t-il.

Informé de la situation, le consulat d’Indonésie au Cap confirme que ces marins viennent des campagnes et n’ont pour la plupart pas été à l’école tandis que les autorités se renvoient la balle à propos de ce qu’il faire. « Ils n’ont pas de travail et quand on leur en propose un, ils sont emballés », explique-t-on.

Ces cas ne sont pas rares et impliquent souvent deux ou trois marins en rade, mais rarement autant d’hommes à rapatrier, selon l’ITWF qui a sollicité l’avocat spécialisé Alan Goldberg. « Ces récits d’abus sont tout à fait ordinaires dans le business de l’industrie de la pêche au long cours », dit-il, évoquant les cartels de la pêche.

Il va tenter de vendre aux enchères les chalutiers ou ce qu’il en reste au bénéfice des membres d’équipage, déterminés à ne pas repartir les mains vides.

« J’ai une femme et trois enfants à la maison », explique l’un d’eux. « Après tout ce temps, je ne peux pas rentrer chez moi sans avoir gagné un centime ».

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