« Pour le blé, on est dans l’expectative face à ce qu’il se passe en Ukraine », a déclaré à l’AFP Jack Scoville, de la société de courtage Price Future Group.
« Il y a le potentiel pour un soutien des cours à la hausse », a-t-il expliqué, « car l’Ukraine mène une contre-offensive dans le sud, ce qui pourrait être dommageable pour les corridors d’exportations », ouverts au départ des ports ukrainiens de la mer Noire pour exporter quelque 20 millions de tonnes de produits agricoles encore stockés après l’accord signé fin juillet entre Kiev et Moscou.
A la Bourse de Chicago, peu après l’ouverture, le boisseau (environ 27 kg) de blé de variété SRW cotait 8,14 dollars. Sur Euronext, la tonne de blé tendre s’échangeait autour de 321 euros, pour une livraison en décembre, pratiquement stable sur une semaine.
« La tension sur les cours de la céréale pourrait repartir, cela dépend de l’état de l’accord » sur les corridors maritimes, estime Dewey Strickler, de AG Watch Market Advisors, consultant en marketing basé dans le Kentucky. « Pour l’instant, l’accord tient. »
C’est aussi l’analyse d’Andrey Sizov, à la tête du cabinet russe SovEcon: « Nous pensons que le corridor céréalier continuera à fonctionner, du moins à court terme, à moins d’un changement majeur du cours de la guerre ». Mais, prévient-il sur Twitter, « les primes (d’assurance, NDLR) de la mer Noire sont susceptibles d’augmenter, car le marché s’est vu rappeler la fragilité de la situation ».
Le gouvernement ukrainien espère retrouver un rythme de croisière cet automne, avec des exportations agricoles de 6 à 6,5 millions de tonnes en octobre, toutes voies confondues (rail, route et mer), un niveau proche de celui d’avant-guerre.
Une prévision jugée « optimiste » par le cabinet d’analyses Agritel, qui table plutôt sur 4 millions de tonnes mensuelles, soulignant la nécessité de rénover infrastructures et routes dans les zones touchées par la guerre.
– « Stocks colossaux sur le papier » –
Les analystes s’accordent sur le rôle central de cette région dans l’équilibre du marché.
Au niveau mondial, « les stocks sont colossaux sur le papier, mais on est dans une situation de grande dépendance. La clé du marché reste la mer Noire », a affirmé mardi Nathan Cordier, chef analyste chez Agritel, lors d’une conférence de presse à Paris.
D’excellentes récoltes s’annoncent en Australie et au Canada, mais les productions de l’Union européenne et des Etats-Unis, où la sécheresse a sévi cet été, « sont à peine à leur moyenne quinquennale »: les marges se trouvent donc en mer Noire.
Agritel avance une prévision record pour la moisson de blé en Russie, estimée à 95 millions de tonnes – 88 millions selon le dernier rapport du ministère américain de l’Agriculture (USDA), contre 75 millions en 2021 -, et des exportations potentielles de 42 millions de tonnes.
Les exportateurs de la mer Noire (Russie, Ukraine et Kazakhstan) représentent à eux seuls « 40% des stocks » des principaux exportateurs mondiaux de blé, souligne Nathan Cordier.
Depuis la fin août, le retour progressif de la Russie sur le marché des exportations a pesé dans la baisse des prix: la tendance devrait s’accentuer et rendre moins compétitif le blé européen et notamment français, qui s’est très bien vendu ces dernières semaines, notamment à l’Algérie – redevenue le premier importateur de blé français.
Pour plusieurs analystes, le marché, qui a vu les prix des céréales pratiquement revenus au niveau d’avant-guerre cet été, devrait rester très volatil dans les prochains mois, compte tenu de l’incertitude géopolitique, des risques climatiques et de la crise énergétique.
Le sort du maïs est le plus incertain: le marché américain a eu la « grosse surprise » de voir les rendements attendus par l’enquête du site Pro farmer – qui a fait une tournée des cultures dans 3.400 exploitations de la Corn Belt – « bien plus bas que l’estimation de l’USDA », a relevé Dewey Strickler.
Sur Euronext, la tonne de maïs se vendait à 317,5 euros pour novembre, tandis qu’à Chicago, le boisseau s’échangeait à 6,67 dollars pour décembre.