Des coraux d’eau froide seront étudiés en aquarium sous pression pour tester leur adaptation au réchauffement climatique.
Le 31 août, les scientifiques de la campagne ChEReef (1), pilotée par l’Ifremer, ont rameneré à terre des coraux d’eau froide prélevés à 800 m de profondeur au large de la Bretagne. Maintenus vivants dans des aquariums sous pression, ces coraux méconnus seront conservés à Océanopolis (Brest) où ils seront soumis à différentes conditions de température et d’acidité. Cette expérience inédite permettra d’estimer leur capacité d’adaptation face au changement climatique. L’équipe de ChEReef a également mené d’autres expériences en mer pour évaluer les impacts du chalutage de fond sur ces organismes marins.
Après 28 jours passés en mer à explorer les récifs coralliens du canyon de Lampaul à bord du navire océanographique Thalassa, les 15 scientifiques, 9 opérateurs du robot Victor 6000 et 26 marins de la campagne ChEReef (Characterization and Ecology of cold-water coral Reefs) s’apprêtent à mettre pied à terre à Brest.
« Grâce au robot Victor 6000, nous avons découvert et cartographié de nouveaux sites coralliens. Nous avons également prélevé des coraux que nous avons installés dans des aquariums pressurisés d’Océanopolis, conçus par nos collègues de Sorbonne Université, et à pression atmosphérique pour continuer à les étudier. », explique Lenaick Menot, chercheur en écologie benthique à l’Ifremer et co-chef de la campagne.
Les coraux d’eau froide souffrent-ils de la pêche au chalut de fond ?
Dans le cadre du projet Marha, cette étude permet d’apporter de nouvelles connaissances pour mieux adapter la gestion des aires marines protégées, en l’occurrence deux sites Natura 2000 situés au large, aux espèces présentes. L’objectif est d’évaluer l’état de santé des habitats benthiques d’un canyon du golfe de Gascogne, et de développer et valider des indicateurs permettant de distinguer les effets des variations naturelles et des impacts anthropiques sur l’évolution de ces écosystèmes.
Le projet ARDECO : une expérience inédite pour tester la résistance des coraux face au changement climatique
Impactés par le chalutage de fond et la pollution anthropique, les coraux d’eau froide sont également menacés par le changement climatique. Pour savoir dans quelle mesure le réchauffement et l’acidification de l’océan pourraient réduire l’espace de vie des coraux (leur niche écologique) à l’horizon 2100, les scientifiques d’Ifremer vont étudier à terre des coraux prélevés sur le fond : cette expérimentation sera menée à Océanopolis dans 4 aquariums pressurisés uniques au monde, créés par Bruce Shillito, maître de conférences à Sorbonne Université. Ce projet, ARDECO (Assessing Resilience Of Deep Corals), qui relève d’un véritable exploit scientifique et technologique a pour objectif d’étudier leur état de santé en faisant varier 3 paramètres d’un aquarium à l’autre :
1/ la pression, en comparant celle de la surface et du fond du canyon ;
2/ la température actuelle du fond et la température moyenne prédite par le scénario le plus pessimiste du GIEC (RCP 8.5, soit + 2°C d’ici à 2100) ;
3/ l’acidité actuelle du fond versus le pH prédit par ce même scénario (– 0,3 unité d’ici à 2100, soit 3 fois plus qu’au cours des 250 dernières années).
Pendant 6 mois, les scientifiques compareront les taux de croissance, de calcification, la qualité des squelettes, les réserves de graisses et le comportement de chacun des coraux et la quantité de carbone qu’ils sont capables de fixer dans leurs tissus.
(1) ChEReef s’inscrit dans le cadre du projet Marha (Marine Habitat), projet Life intégré sur les habitats naturels marins de la directive « Habitat, Faune, Flore » (DHFF), financé par l’Union européenne, coordonné par l’Office français de la biodiversité et regroupant 14 partenaires, et contribue au projet ARDECO financé par l’ANR. Ce projet européen d’une durée de 8 ans vise à améliorer l’état de conservation des habitats marins en alimentant les besoins de connaissance pour la désignation de sites Natura 2000 au large. La campagne CHeReef 2022 est la deuxième d’une série de 6 campagnes océanographiques prévues pour la maintenance annuelle de la station d’observation benthique MARLEY déployée en 2021 dans le canyon de Lampaul, sélectionné parmi les 130 canyons du golfe de Gascogne.
Source : Océanopolis