Les malheurs du navire russe perturbent la recherche en Antarctique

« Il n’y a aucune raison de mettre l’Antarctique sous cloche et de le garder uniquement pour les scientifiques, mais il faut que ce tourisme soit contrôlé et encadré, de sorte qu’on soit certain de pouvoir porter secours en cas de souci », a indiqué à l’AFP Yves Frenot, directeur de l’Institut polaire français Paul-Emile Victor, qui met en oeuvre les programmes de recherche dans la région.

Jeudi, les 52 passagers du MV Akademik Chokalskiï – des scientifiques, des touristes et des journalistes australiens, britanniques et néo-zélandais – ont été évacués par hélicoptère grâce à l’intervention de deux bateaux, un australien et un chinois. Les 22 membres d’équipage sont eux restés à bord du bateau, piégé depuis le 24 décembre à 180 kilomètres à l’est de la base française Dumont d’Urville.

Le navire chinois était à son tour en difficulté vendredi, cerné par la banquise. L’Astrolabe, le navire français qui ravitaille Dumont d’Urville pendant l’été austral (entre octobre et mars environ), a aussi été réquisitionné une semaine par les secours.

S’il juge « tout à fait normal » de porter assistance à un bateau en difficulté, Yves Frenot déplore le temps perdu pour secourir une « expédition pseudo-scientifique ».

Les passagers du navire russe reproduisaient l’expédition historique menée dans l’Antarctique il y a un siècle par l’explorateur australien Sir Douglas Mawson. Pour M. Frenot, « ce genre d’expédition commémorative n’a aucun intérêt du point de vue scientifique ».

« L’expédition a été présentée comme scientifique, alors qu’il y a surtout des touristes à bord, qui ont payé pour faire le voyage », renchérit dans le quotidien Le Monde daté de samedi le glaciologue Jérôme Chappellaz, du Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’environnement (LGGE) de Grenoble.

En raison de ces opérations, les Français ont d’ores et déjà annulé une campagne océanographique de quinze jours prévue en janvier. « Mais on a de la chance. Pour les Chinois, toute l’activité scientifique prévue est fichue et mon collègue directeur de l’Institut polaire australien est fou furieux, parce que toute sa campagne tombe à l’eau… », commente M. Frenot.

L’Antarctique abrite quelque 80 bases scientifiques dont une quarantaine permanentes situées en très grande majorité sur les côtes (seules trois sont situées à l’intérieur).

Le ravitaillement de ces stations par voie maritime ne peut avoir lieu que durant l’été austral. « Si on veut que ces bases fonctionnent toute l’année, il est indispensable de les ravitailler pendant cette courte fenêtre en nourriture et en fioul », explique le patron de l’Institut polaire français.

Le détournement de ces navires ravitailleurs pour des opérations d’assistance peut ainsi « mettre en péril » le ravitaillement des bases, ajoute-t-il. D’autant que l’approvisionnement de Dumont d’Urville est déjà perturbé depuis trois ans par les accumulations de glaces de mer dans la zone, consécutives à la rupture d’un important glacier côtier en février 2010.

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