« Au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans les profondeurs, c’est de plus en plus sombre », explique à l’AFP Tom Zaller, qui est descendu il y a 23 ans à 3.800 mètres de profondeur pour apercevoir ce tombeau piégé sous les flots. « Quand vous commencez en haut, il fait assez chaud à l’intérieur. Mais plus on descend, plus il fait froid. »
Passionné par le Titanic, M. Zaller organise une exposition sur le navire, qui doit ouvrir ses portes le 30 juin à Los Angeles. Il connaît aussi personnellement certaines des personnes à bord du Titan, le submersible disparu depuis dimanche dans la zone de l’épave et actuellement recherché par une coalition internationale de secouristes.
Ce petit engin touristique de 6,5 mètres de long transportait le milliardaire britannique Hamish Harding, ainsi que le magnat pakistanais Shahzada Dawood et son fils Suleman, lors d’une expédition à 250.000 dollars la place.
A bord se trouvaient aussi Stockton Rush, le patron de l’entreprise spécialisée Oceangate Expeditions organisant le voyage, et le sous-marinier français Paul-Henri Nargeolet, surnommé « M. Titanic » pour ses fréquentes plongées sur le site.
– « Terrifié » –
En 2020, M. Zaller a pris part à une expédition similaire dans le cadre d’un voyage de recherche, à bord d’un navire russe équipé de deux submersibles.
De sa visite sur le site, situé à 650 kilomètres de la côte la plus proche, il garde un souvenir à la fois ému et impressionné.
Malgré le professionnalisme de son équipage d’alors, « vous envoyez tout de même un tout petit navire à 4.000 mètres de profondeur, ce qui est incroyablement compliqué et technique », explique-t-il. « J’ai pris une caméra et je me suis filmé. J’ai regardé les images plus tard et j’étais absolument terrifié. »
Embarquer à bord d’un submersible revient à pénétrer dans « une sphère sous pression de deux mètres de large », raconte-t-il. « Il y a un siège de pilote au centre, puis deux bancs de chaque côté, avec trois hublots. »
L’engin se ferme de l’intérieur et ne peut ensuite être ouvert que par une trappe actionnable de l’extérieur. « Une fois que vous êtes dedans, vous ne pouvez plus revenir en arrière. C’est un véritable engagement », souffle M. Zaller.
Le submersible — différent d’un sous-marin, car il ne dispose pas de l’autonomie nécessaire pour regagner la côte seul — est ensuite largué dans l’océan par le vaisseau-mère et commence à couler. D’abord bleue, l’eau devient rapidement sombre.
– Baignoire du capitaine –
Pendant deux heures et demie, il n’y a pratiquement rien à voir: l’engin s’enfonce lentement et conserve sa puissance pour l’utiliser une fois au fond de l’océan. Lorsqu’il l’atteint enfin, le submersible soulève une nuée de sédiments.
« Quand on regarde par le hublot, c’est un peu nuageux », décrit M. Zaller. « Imaginez que vous traversez ce nuage et que vous vous trouvez dans un environnement parfaitement calme au fond de l’océan, à 3.800 mètres de profondeur, et que vous voyez un débris, un morceau géant du Titanic. »
L’épave se dévoile alors, entourée de tout le mobilier qui a coulé avec le luxueux paquebot dans la nuit du 14 au 15 avril 1912.
« On voit une tasse ou une théière, et puis à d’autres moments, on peut voir où le flanc du navire est percé et on peut apercevoir la baignoire du capitaine Smith pleine d’eau », retrace M. Zaller.
Cet observateur passionné connaît le sous-marinier français Paul-Henri Nargeolet depuis des décennies. Il a aussi échangé avec le patron d’Oceangate Expeditions, Stockton Rush, peu avant qu’il n’embarque pour cette expédition.
Pour peu qu’ils soient encore en vie, les réserves d’oxygène des deux hommes et de leurs trois passagers s’amenuisent et doivent expirer jeudi. Mais M. Zaller croit encore à un dénouement favorable.
« Ils sont là depuis presque quatre jours. Je n’arrive pas à l’imaginer », souffle-t-il. « J’espère et je prie pour qu’ils s’en sortent et qu’on les retrouve. »