A la veille des assises de la pêche, la colère face à la fin de l’aide au gazole

Paris, 19 sept 2023 (AFP) – Les assises annuelles de la pêche, qui se tiennent à Nice (Alpes-Maritimes) jeudi et vendredi, s’annoncent houleuses après la confirmation de la fin des aides au gazole, un soutien jugé « indispensable » par des pêcheurs « pris en étau » entre coût du carburant et cours du poisson.

Ce grand rendez-vous annuel où se croisent représentants de l’État, pêcheurs et chercheurs doit se pencher, au travers de diverses tables rondes, sur les défis de la filière: « cohabitation » des pêcheurs avec les espèces protégées, « décarbonation » du secteur, conséquences du Brexit pour la flotte française ou encore enjeux de la formation.

Ces questions ont agité la filière tout au long de l’année, marquée en mars par un mouvement inédit de protestation, finalement levé après l’assurance qu’aucune interdiction des chalutiers de fond ne serait imposée par Bruxelles dans les aires marines protégées.

Elles pourraient être balayées par celle, brûlante, du prix du gazole.

Interrogé sur les « aides carburant » qui doivent prendre fin le 15 octobre, le secrétaire d’État à la Mer, Hervé Berville, a déclaré samedi: « Comme dans d’autres secteurs, elles s’arrêteront car il faut revenir à une forme de normalité, tout en accompagnant nos pêcheurs », dans un entretien à Ouest-France et TV-Rennes.

Cette aide à la trésorerie, actuellement de 20 centimes (hors taxes) par litre de gazole, a été mise en place en mars 2022, dans le cadre du « plan de résilience » visant à aider les entreprises à faire face aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine.

Le coût global de ces mesures est de « 75 millions d’euros » pour le gouvernement, qui explique ne plus pouvoir les prolonger « car le régime européen qui permettait ces aides s’arrête cette année » et que « ce n’est pas à l’État de se substituer tout le temps à la responsabilité de tous les acteurs de la filière », a estimé M. Berville.

– Lente décarbonation –

Ces déclarations ont été reçues « comme une provocation par les professionnels », a déclaré lundi à l’AFP Yves Foëzon, directeur de Pêcheurs de Bretagne, première organisation de producteurs de France. « Entre les quotas, les contraintes réglementaires, le gazole, la profession est dans un état d’asphyxie. »

« On est pris en étau entre le cours du gazole et le cours du poisson, qui est très bas », explique Christophe Collin, directeur de l’Armement bigouden (9 chalutiers hauturiers).

« Le gazole va dépasser les 90 centimes en fin de semaine au Guilvinec. La situation est intenable. On perd de l’argent et les marins ont un salaire très faible car ils sont payés à la part », explique-t-il. La semaine dernière, un de ses navires est revenu au port avec 43.000 euros de poissons pour 23.000 euros de gazole, affirme-t-il.

Sur la rade de Brest, chacun faisait ses comptes: un chalutier de haute mer de 24 mètres consomme « près de 2 tonnes » de gazole par jour, un fileyeur de 22 mètres « environ 600 litres par jour », selon les patrons de pêche.

« Après le 15 octobre, le bateau sera le long du quai et puis on ira en manif », prévient Patrice Paugam, 43 ans, patron du fileyeur Dimezel.

De son côté, le comité national des pêches réclame un « plan de soutien » global pour la filière. « Il faut que les navires puissent continuer à aller pêcher », martèle son président, Olivier Le Nezet.

Le coût du gazole des marins – teint en bleu – représente « en moyenne 40% du chiffre d’affaires », affirme-t-il, plaidant pour une aide à la nécessaire transition du secteur, qu’elle soit « publique ou privée ».

La « décarbonation » de la filière, présentée comme une priorité du gouvernement, avance « très lentement », souligne le comité national: quelques dizaines de bateaux à propulsion hybride et utilisant des matériaux bio-sourcés, plus légers – mais aucun destiné aux chalutiers, trop lourds – sortent des chantiers navals chaque année.

Ils coûtent souvent « trop cher » pour attirer de jeunes marins, dont la filière a cruellement besoin, estime Olivier Le Nezet.

Et, ajoute-t-il, avec ses quelque 6.500 navires, en grande majorité des moins de 12 mètres, la « petite » filière pêche « est la dernière qui intéresse les constructeurs », après le secteur automobile, le transport maritime et le matériel agricole.

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