Ces distributions à destination des plus vulnérables ont nécessité l’arrivée progressive de sapeurs-pompiers et de militaires de la Sécurité civile à Mayotte et leur nombre a été porté à 150 pour se préparer au passage à la distribution d’eau à toute la population.
Les premiers renforts étaient arrivés le 18 septembre pour aider à la distribution d’eau aux près de 60.000 personnes en situation de handicap, âgées de plus de 65 ans, les femmes enceintes ainsi que les nourrissons.
Les derniers ont rejoint mardi le 101e département français pour l’élargissement des distributions à toute la population, soit au moins 310.000 personnes, à compter du 20 novembre.
Une promesse de Philippe Vigier, ministre délégué chargé des Outre-mer. Au total, « 330.000 litres d’eau par jour seront distribués », annonçait-il à l’occasion de sa dernière visite sur l’île le 2 novembre. Soit un litre par personne, au quotidien.
Car le département le plus pauvre de France est actuellement privé d’eau courante plus de deux jours sur trois. En cause: une sécheresse exceptionnelle couplée à un manque d’infrastructures et d’investissements, dans un territoire qui, sous pression de l’immigration clandestine venue notamment des Comores voisines, connaît une croissance démographique de 4% par an.
Dans ce contexte, l’élargissement de la distribution était attendue depuis longtemps. Le 6 octobre, déjà, la députée de Mayotte Estelle Youssouffa demandait « la distribution d’eau à l’intégralité de la population ». « Nous allons vers une crise de plus en plus aiguë », alertait-elle.
« On attendait ces distributions à toute la population depuis longtemps. Maintenant, il y a quand même une inquiétude de la part de la population: on ne sait pas comment ces bouteilles seront distribuées et si tout le monde pourra vraiment en bénéficier », s’interroge Safina Soula, présidente du collectif des citoyens Mayotte 2018.
– « Accepter l’inacceptable » –
Du côté des centres communaux d’action sociale, cette nouvelle mesure inquiète également. Les communes, qui gèrent les distributions gratuites depuis leur mise en place, assurent être déjà « débordées ». « Nous craignons les mouvements de foule », concède Anziza Daoud, directrice du centre communal d’action sociale de Mamoudzou, qui gère actuellement huit sites.
La préfecture assure que de nouveaux sites seront réquisitionnés, comme les Maisons des jeunes et de la culture (MJC). 25 points de distribution devraient permettre d’alimenter toute la population. « Les effectifs supplémentaires devraient être suffisants, ils viendront en appui des personnels communaux pour la distribution, assure Gilles Cantal, le préfet de l’eau. Nous évaluerons toutes les semaines les besoins. S’il y a un pépin, nous réagirons ».
Des renforts qui arrivent au moment où les réserves sont au plus bas. Les deux retenues collinaires – qui assurent 80% de l’approvisionnement en eau avec les rivières – ne sont plus remplies qu’à environ 6%, contre 58% en moyenne en 2022 à la même époque.
Les services de l’État prévoyaient qu’elles seraient à sec autour du 15 novembre, mais les récentes pluies ont permis de gagner quasiment « une semaine », selon une source proche du dossier.
Pour autant, lorsque ces réserves seront vides, le territoire ne sera capable de produire que 20.000 m² par jour alors que la consommation journalière stagne autour de 26.000 m², malgré les restrictions.
Début novembre, Philippe Vigier assurait qu’à « quelques jours près, ça (allait) passer », remerciant les Mahorais « d’accepter l’inacceptable ».
Selon un des acteurs qui suit l’état des ressources, « plusieurs scénarios sont envisagés, mais rien n’est encore validé ». « La Mahoraise des eaux (gestionnaire sur l’île) fait actuellement des simulations afin de réduire l’étendue des secteurs de distribution pour qu’il y ait suffisamment de pression partout sur le territoire. Un allongement des tours d’eau (coupures d’eau tournantes selon les quartiers, NDLR) est aussi envisagé, il faut trouver le bon équilibre », estime-t-il, sous couvert d’anonymat.