Finances exsangues pour pêcheurs et mareyeurs après les intempéries

Sur le quai du Guilvinec (Finistère), jeudi matin, les bateaux de pêche étaient sagement alignés.

Un scénario identique se répétant depuis des semaines sur toute la côte atlantique, où l’hiver réduit normalement l’activité, mais pas à ce point « depuis des années », selon les pêcheurs.

A Saint-Jean-de-Luz, au Pays basque, Olivier Rospidegaray, patron armateur du chalutier « Rospidegaray », assure d’ailleurs ne pas être sorti depuis trois semaines « à cause du mauvais temps », même s’il refuse de se plaindre, car, après 26 ans de pêche, il en a vu d’autres.

« Depuis le début de l’année, les bateaux sont peut-être sortis une dizaine de jours, alors qu’un bateau cela doit sortir 22 jours par mois pour vivre », se lamente Gerald Le Mentrec, capitaine de l’Armement Atlantic 17, gérant six chalutiers à La Rochelle (Charente-Maritime).

« Les accalmies ne durent pas plus de deux jours, ils n’ont pas le temps de travailler », renchérit Victor Rodriguez, directeur commercial du port de La Rochelle.

« Depuis le début de l’année, on a perdu l’équivalent de douze jours en mer », témoigne aussi Soizic Le Gall, à la tête de l’Armement bigouden, au Guilvinec, estimant à ce stade le manque à gagner de 500.000 euros pour l’entreprise, employant une centaine de personnes.

A Arcachon, selon Franck Lalande, président du Syndical arcachonnais des matelots, armateurs et patrons (SAMAP), la problématique est double: l’eau du bassin est trop « douce » en raison des pluies incessantes et des vents d’ouest qui l’empêchent de s’écouler vers l’océan. Certaines espèces, comme la seiche ou, dans le secteur des coquillages, la palourde, se font donc rares.

En mer, ce n’est pas « la ressource qui manque » pour ceux qui arrivent à franchir les passes du bassin. Mais le vent qui martèle la côte est dangereux, même s’y certains s’y aventurent quand même car il y a « les factures qui tombent », selon David Lamourou, patron du fileyeur « Paix du Ciel », basé à Arcachon (Gironde), fragilisé par une année 2013 déjà difficile.

– Toute l’économie locale touchée –

Aux abords du port, d’autres préfèrent ne pas tenter le retour et s’exiler pour plusieurs jours à Royan ou La Rochelle, d’où la pêche est acheminée … par camion jusqu’à la criée d’Arcachon, à 190 km, voire 250 km de là, plus au sud.

« C’est toute l’économie locale qui est touchée, témoigne Jean-Michel Labrousse, président du Comité départemental de la pêche de Gironde: « La coopérative ne vend plus de carburant, ni de matériel de pêche ». Comme à la criée du Guilvinec, où il n’y avait pas de vente de poissons jeudi matin, lorsque les bateaux hauturiers débarquent en général leur marchandise.

« Allez voir les prix… », tempêtait ainsi Simon Le Rhum en sortant de la poissonnerie La Marée du jour au Guilvinec, avec un kilogramme de langoustines à 24 euros à la main, contre 10 à 15 habituellement. Non loin de là, les frères René-Claude et Laurent Daniel, mareyeurs, assurent « n’avoir jamais vu ça depuis quarante ans », en montrant l’atelier de préparation du poisson vide, là où normalement une douzaine de personnes — désormais en congé forcé — sont employées.

La situation est « catastrophique » pour les mareyeurs, assurait aussi le président de l’Union nationale de la poissonnerie française, Pierre Labé. Selon le président de cet organisme représentant 3.500 entreprises (des poissonneries achetant aux grossistes et à la criée), « on s’attend à une perte de 35 à 40% du chiffre d’affaires et si ça continue beaucoup vont mettre la clef sous la porte ».

En France, aucun bilan global n’existe encore à ce stade, mais les autorités semblent prendre ces appels au secours au sérieux: le ministre délégué à la Mer, Frédéric Cuvillier, a en tous cas annoncé qu’il recevrait dans les prochains jours « une délégation de représentants de la pêche française » et indiqué qu’un report des charges sociales pour les pêcheurs en difficulté était envisageable.

Jeudi, le député européen Alain Cadec, rapporteur pour le Fonds européen pour les Affaires maritimes et de la pêche (ndlr: FEAMP, qui sera mis en place en mai), a lui assuré que celui-ci pourrait être sollicité afin d’indemniser les pêcheurs pour les pertes subies.

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