« Nous n’avons aucune information à leur propos », a lancé Fethi Ben Farhat, 45 ans, dont le neveu Malek figurait parmi ce groupe formé en majorité d’adolescents, disparus autour du 11 janvier en pleine mer.
Originaires d’El Hencha, petite ville du centre de la Tunisie, ils ont pris la mer ensemble à Sfax, deuxième ville du pays et épicentre des départs pour l’Italie, dont les côtes se trouvent à moins de 150 km.
Malek Ben Farhat, un lycéen de 17 ans en décrochage scolaire, a quitté une formation en mécanique sans rien dire à sa famille dans l’espoir de rejoindre son frère aîné arrivé clandestinement en Italie quatre mois plus tôt.
« Les jeunes ne cherchent même pas à apprendre un métier ou à travailler ici. Ils pensent que c’est inutile. Ils ne pensent qu’à émigrer surtout quand ils voient les photos sur les réseaux sociaux de leurs amis » qui ont réussi la périlleuse traversée.
L’aggravation de la conjoncture économique avec une croissance estimée à 1,2% pour 2023 (la moitié de 2022) et un chômage des jeunes à 38%, sont des facteurs décisifs de cette émigration massive.
En 2023, les Tunisiens ont représenté la deuxième nationalité de migrants illégaux arrivés en Italie (avec 17.304) juste derrière les Guinéens (18.204), selon le ministère de l’Intérieur italien.
Les restrictions en Europe sur les visas « qui excluent le plus grand nombre » ainsi que « les facteurs économiques et sociaux » expliquent ce phénomène, souligne Romdhane Ben Amor, de l’organisation FTDES spécialisée dans les questions migratoires.
Selon lui, « les conditions climatiques (une grave sécheresse l’an passé, ndlr) et l’instabilité politique » depuis le coup de force du président Kais Saied à l’été 2021 ont alimenté cette tendance.
Mohamed Henchi, un habitant de El Hencha, souligne à quel point sa ville de 6.000 habitants offre peu de perspectives à des jeunes convaincus que « l’Italie est le paradis promis ».
Des mères de famille ont accusé le passeur, que certains disent connaître. « C’est un grand criminel. Il lave le cerveau des jeunes qui veulent partir à cause des conditions du pays », dénonce Fatma Jlail, 37 ans. « Où sont nos enfants, qui doit-on tenir pour responsable? » demande cette femme, qui est sans nouvelles de son frère.