Après deux années fastes marquées par des profits exceptionnels grâce à l’explosion des tarifs, en raison de la désorganisation des chaînes logistiques, le secteur maritime aborde un cycle négatif.
CMA CGM a vu son chiffre d’affaire fondre à 47 milliards de dollars (-36,9%) et affiche un bénéfice annuel de 3,6 milliards de dollars seulement contre 24,9 milliards un an auparavant.
« Les conditions de marché du transport maritime se sont progressivement dégradées au cours de l’année. Nos résultats sont en baisse comme anticipé », a réagi le PDG du groupe Rodolphe Saadé, cité dans le communiqué de résultat.
Au quatrième trimestre, CMA CGM a même enregistré une perte nette de 90 millions d’euros, une première depuis quatre ans. Le transporteur, comme l’ensemble de ses concurrents, a été frappé de plein fouet par le ralentissement du commerce mondial et surtout, par un retour à des tarifs équivalents à la période d’avant la pandémie de Covid-19.
– Incertitude en 2024 –
Le chiffre d’affaire de la division maritime a été quasiment divisé par deux sur l’année, malgré un volume de marchandise transporté équivalent (+0,5%). Il s’élève à 31,4 milliards de dollars, contre 59 milliards en 2022.
« Les échanges de marchandises n’ont progressé que de 0,8% en 2023, ce qui est historiquement assez bas », a précisé le directeur financier du groupe, Ramon Fernandez.
L’arrivée de nouveaux navires sur les flots, qui a conduit les capacités à augmenter de 8% en 2023, a également tiré les prix vers le bas. Une progression similaire est attendue pour 2024, ce qui devrait accentuer le déséquilibre entre l’offre et la demande.
L’année 2024 s’annonce « incertaine », a prévenu M. Fernandez. « Les prévisions de croissance mondiale sont toujours inférieures aux moyenne historiques (…) mais l’ensemble des observateurs prévoient une reprise du commerce international de biens », a-t-il relativisé.
Cela devrait être le cas sur l’axe Est-Ouest, où les volumes échangés ont diminué de 2,7% en 2023 pour CMA CGM en raison d’une plus faible demande aux Etats-Unis liée à un phénomène de déstockage, qui devrait s’estomper en 2024, selon le groupe.
Concernant les tensions géopolitiques, notamment en mer Rouge, où les navires de commerce ne passent quasiment plus depuis le début de l’année en raison des attaques des Houthis dans le détroit de Bab al-Mandab, « il y aura des impact économiques sur nos activités », a prévenu Ramon Fernandez.
– Logistique résiliente –
L’obligation pour les transporteurs de contourner l’Afrique par le cap de Bonne Espérance, rallongeant les trajets de une à deux semaine, a provoqué une nouvelle hausse des taux (tarifs) de fret, qui « a d’ailleurs ralenti au bout de quelques semaines », selon M. Fernandez.
« C’est très difficile de voir quel sera l’effet net sur l’année de ces différents mouvements », a-t-il ajouté.
Alors que le secteur affronte un « retournement de cycle » comme il en connait régulièrement, CMA CGM compte sur sa branche logistique pour traverser la tempête.
Elle représente désormais près d’un tiers du chiffre d’affaire du groupe, à 15,2 milliards d’euros (-5,5%). La logistique, secteur dans lequel CMA CGM a multiplié les acquisitions ces dernières années (Gefco, Ingram, Colis Privés…), pèse même 15% de l’excédent brut d’exploitation du groupe, contre 3,7% en 2022.
CMA CGM doit boucler prochainement l’acquisition de Bolloré Logistics pour 5 milliards d’euros, faisant ainsi du groupe le cinquième logisticien mondial.
La logistique « est vraiment devenue un pilier extrêmement important (de CMA CGM), c’est moins volatil, moins cyclique. (…) Ca vous apporte un flux de résultats récurrents qui viennent équilibrer d’une certaine manière la volatilité du shipping », a expliqué Ramon Fernandez.