Vendredi, les Etats-Unis ont inscrit sur liste noire 14 pétroliers utilisés par la Russie afin de faire respecter le plafond imposé par l’Occident du prix du pétrole brut vendu par Moscou, à la veille du deuxième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine.
Les sanctions annoncées dans un communiqué du Trésor américain visent la compagnie maritime nationale russe Sovcomflot, lui donnant 45 jours pour décharger le pétrole ou autres cargaisons des 14 navires.
Une « flotte fantôme » désigne des navires commerciaux qui ne sont pas détenus par les pays du G7 ou de l’UE, ou qui n’utilisent pas d’assurance P&I (une assurance spécifique au transport maritime qui indemnise de façon illimitée les dommages au tiers), selon la définition de la Kyiv School of Economics (KSE).
La réelle propriété des navires est souvent difficile à déterminer, en raison d’assemblages de sociétés à l’origine floue et d’intermédiaires compliquant la tâche.
Embargo pétrolier, plafonnement du prix du brut russe, interdiction de fournir les services permettant le transport maritime de pétrole… de nombreuses sanctions contre Moscou s’attaquent à la manne des exportations de pétrole, vitale pour la Russie notamment pour financer sa guerre en Ukraine.
Pour les contourner, Moscou a dû réduire sa dépendance à l’égard des services maritimes occidentaux en rachetant des tankers auxquels elle offre ses propres services d’assurance.
« Le programme russe d’évasion des sanctions à l’échelle industrielle devient de plus en plus compliqué et sophistiqué, grâce à une +flotte obscure+ en constante expansion », alertait le service d’information maritime Lloyd’s List Intelligence dans un article de décembre.
Dans son rapport « Russian Oil Tracker » de janvier, l’institut économique ukrainien KSE basé à Kiev indique que « 196 pétroliers » chargés d’or noir « ont quitté les ports russes en décembre 2023 ».
« Les compagnies maritimes basées aux Émirats arabes unis constituent le coeur de la flotte fantôme russe », affirme l’institut KSE, avec cinq nouvelles sociétés de transport « dont l’organisation et la structure de propriété ne sont pas transparentes » qui ont commencé à transporter du brut russe depuis novembre 2023 sans assurance P&I.
Ce type d’assurance en principe indispensable aux navires couvre des risques allant des guerres aux dommages environnementaux pour des montants qui peuvent être colossaux.
« Les trois premiers pavillons des navires de la flotte fantôme russe (…) sont le Panama, le Liberia et le Gabon », note par ailleurs l’institut.
En plus de permettre à la Russie d’échapper aux sanctions occidentales, cette flotte représente un danger environnemental conséquent.
L’institut KSE avance que 73% des pétroliers fantômes qui ont transporté du brut depuis la Russie en décembre ont été construits il y a plus de 15 ans.
Ces navires vieillissants, souvent sans assurance, n’ont pas fait l’objet d’un entretien de qualité ou n’ont pas été inspectés récemment, affirme Lloyd’s List Intelligence, présentant ainsi des risques environnementaux importants.
Elisabeth Braw, chercheuse à l’American Enterprise Institute, évoque même « un désastre imminent » dans une tribune pour le site Politico, notant l’augmentation d’accidents impliquant cette flotte noire du fait de la vétusté des navires, mais aussi parce que, pour échapper aux radars, « ils éteignent souvent leur système d’identification automatique (AIS) », un signal GPS que les navires commerciaux sont tenus d’utiliser.