Le sable a perdu jusqu’à 30 mètres d’étendue face à la mer en certains points entre 2011 et 2023, selon des études. Notamment en face d’un restaurant à l’extrémité d’une plage de Sainte-Anne, dont la terrasse offre une vue sur un lagon et des cocotiers, un cadre idyllique prisé des nombreux touristes.
« C’est dangereux désormais », regrette Stéphanie Mezzasalma, la gérante de l’hôtel-restaurant, pointant les trous qui s’ouvrent dans le sol et qui la forcent à raccompagner ses clients le soir sur cette plage mal éclairée à cet endroit.
A la tête de l’établissement depuis trois ans, elle a dû enrocher le rivage pour éviter l’effondrement du bâtiment, histoire de gagner quelques années.
« Sauf qu’on n’a pas le droit de toucher au littoral par nous-même », rappelle Andy, son mari. « Mais on a demandé à la mairie, on nous a renvoyés à la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement, qui nous a renvoyés aux affaires maritimes, qui nous ont renvoyés à l’agence des 50 pas géométriques », un outil de coopération entre l’Etat et les communes littorales.
Une situation compliquée pour les gérants, qui ne sont pas les seuls dans ce cas là.
Proches de leur établissement, des résidences touristiques sont gagnées par l’eau, la faute à cette érosion littorale dont les causes sont désormais bien connues: cyclones, mortalité des récifs coralliens et des herbiers, installations de digues modifiant la courantologie, retrait des sargasses à coup de pelles mécaniques, augmentation du niveau de la mer en raison du dérèglement climatique…
Dans son rapport sur les enjeux liés au recul du trait de côte, le Centre d’études et d’expertises sur les risques, la mobilité et l’aménagement (Cerema) a estimé qu’en Guadeloupe, 87 bâtiments d’activités diverses et 11 logements seraient menacés d’ici cinq ans.
– Réensablement –
Selon les scénarios prévus pour 2050, qualifiés de réalistes par le Cerema, 552 logements et 181 bâtiments à usage économique seraient affectés sur l’archipel. Quant au phénomène en 2100, en cas d’inaction face au dérèglement climatique, les prévisions avoisinent plus de 5.100 logements et 1.812 bâtiments économiques concernés.
Ces chiffres placent l’archipel en tête des départements ultramarins les plus touchés par le phénomène. Dans les communes de Petit-Bourg ou Capesterre-Belle-Eau, des habitants, dont les logements sur des falaises menaçaient de tomber à cause de l’érosion, ont déjà été déplacés ou sommés d’évacuer la zone.
« Depuis mars, nous avons passé des marchés pour affiner cette étude du recul du trait de côte qui va nous donner des prévisions fines très adaptées à notre territoire et nous permettre de prendre des décisions sur nos 15 km de littoral où on a des configurations très différentes: plages, falaises, forêts, etc… », explique à l’AFP Garry Pisiou, le directeur environnement à Sainte-Anne.
Ce lundi, il participait avec des homologues d’autres communes, des élus et personnels administratifs, à un atelier proposé par l’Office français de la biodiversité (OFB).
« On imagine un projet d’aménagement de la plage du bourg de Sainte-Anne, un peu dans un esprit de hackathon (réunion d’experts pour mener rapidement un projet, NDLR) et à l’issue, les participants doivent livrer un cahier des clauses techniques particulières qui accompagne les marchés publics de travaux, dans l’esprit de la préservation de la biodiversité notamment, en tenant compte des contraintes d’aménagement dont les problématiques foncières », explique Noémie Djellid, de l’OFB.
De quoi inspirer l’ensemble des communes littorales guadeloupéennes pour faire face à l’érosion. « Au Gosier, la plage du bourg, très fréquentée aussi, s’érode à toute vitesse », déplore Cindy Valey, directrice de l’environnement dans cette commune voisine de Sainte-Anne. Là-bas, les douches de la plage pourraient êtres reculées, le parking réformé, les commerces et bars de plage sortis du sable.
A Sainte-Anne, on envisage le réensablement, à court terme. « On doit trouver un sable à granulométrie équivalente au nôtre et dont le prélèvement se ferait sans conséquence pour le milieu », souligne Garry Pisiou. A plus long terme, c’est un programme de revégétalisation qui pourrait concerner cette plage, pour maintenir le sable et, si possible, l’activité économique.