La controverse sur la part de la pêche étrangère dans la crise d’un secteur important au Sénégal a été ranimée avec la récente élection à la présidence de Bassirou Diomaye Faye qui a promis pendant la campagne de rétablir une souveraineté qu’il juge bradée dans ce domaine et d’autres.
M. Faye, investi en avril, a demandé mercredi « l’audit du pavillon sénégalais » visé par des soupçons de prête-noms et « l’évaluation des accords et licences de pêche » conclus avec des pays dont ceux de l’Union européenne, indique un communiqué publié à l’issue d’une réunion du gouvernement.
Ces annonces, sans lien avec la sortie de l’ambassadeur de l’UE quelques heures auparavant, sont une vieille doléance des acteurs nationaux.
Le chef de l’Etat sénégalais a dit l’importance qu’il porte à la transparence dans la gestion du secteur de la pêche » et « l’impératif de renforcer les dispositifs de lutte contre les activités de pêche illicites » jugées nuisibles à la ressource, selon le communiqué gouvernemental.
Le ministère sénégalais des Pêches a rompu lundi avec l’opacité qui caractérise de longue date le secteur en publiant une liste de navires autorisés à pêcher dans les eaux sénégalaises. Elle répertorie 132 navires industriels battant pavillon sénégalais, 19 européens et plus de 17.400 pirogues artisanales.
L’accord en vigueur depuis 2019 entre l’Union européenne et le Sénégal « représente moins de 1% de la pêche au Sénégal », a déclaré l’ambassadeur de l’UE au Sénégal, Jean-Marc Pisani, lors d’une conférence de presse sur le partenariat UE-Sénégal organisée quelques heures auparavant à Dakar.
Cet accord expire en novembre et doit donner lieu à une évaluation de la part des Européens avant l’ouverture de nouvelles négociations avec la partie sénégalaise.
Le diplomate a reconnu que cet accord donnait lieu à « beaucoup de perceptions différentes » au Sénégal. Mais, a-t-il ajouté, « l’Union européenne n’a rien à cacher. L’accord de partenariat de pêche durable est public, transparent et disponible ».
Le dirigeant sénégalais a par ailleurs demandé au gouvernement « de prendre toutes les dispositions nécessaires pour préserver les ressources halieutiques et protéger les professionnels de la pêche artisanale », dans le communiqué du gouvernement.
Les quelque 50.000 pêcheurs sénégalais travaillent essentiellement sur des pirogues traditionnelles. Ils sont confrontés à la concurrence des bateaux usines étrangers, chinois, européens ou russes, auxquels ils imputent volontiers la raréfaction du poisson.
Les pêcheurs européens « sont autorisés à pêcher un quota de 10.000 tonnes (par an) au titre de l’accord de pêche. Ils en pêchent 3.000 (alors que) la totalité des prises au Sénégal est de 400.000 tonnes par an », a assuré M. Pisani. L’accord est encadré par des scientifiques européens et sénégalais qui évaluent la ressource, et les Européens ne pêchent que les stocks excédentaires et seulement deux variétés que ne pêchent pas les Sénégalais, le thon et le merlu noir, a-t-il dit.
La pêche fait vivre directement ou indirectement environ 600.000 Sénégalais pour une population d’environ 18 millions, selon l’ONU.