C’est sur un site sécurisé, au sein de l’ancien hôpital à l’entrée de Nouméa, que le gouvernement calédonien a mis en place ce poste dès le 14 mai.
« Il était destiné dans un premier temps à prendre en charge les forces de secours puis l’ensemble de la population », explique le Dr Christian Decanlers, médecin-chef de la Sécurité civile de Nouvelle-Calédonie.
Dès l’entrée est entreposé du matériel pour les plaies par balle et les explosions, comme des garrots pour stopper les hémorragies.
« Le poste médical peut prendre en charge les patients les plus graves pour les stabiliser avant de les transférer pour qu’ils puissent être pris en charge au plus vite par l’hôpital », détaille-t-il.
– « Lueur d’espoir » –
Des pompiers de Paris sont là en renfort, ils ont notamment tenté de réanimer un homme, en provenance du centre pénitentiaire, faisant une crise cardiaque. Le patient est décédé, c’est le seul décès enregistré sur le poste avancé depuis le début des émeutes qui ont fait six morts.
Les urgences absolues sont traitées dans un bureau réaménagé en box. Il y a deux box de ce type, permettant de traiter simultanément quatre blessés.
A l’entrée, un tableau est censé servir au tri des patients en cas d’afflux massif. Au total, le poste a traité une cinquantaine de personnes, dont trois policiers de la Brigade anticriminalité blessés par balle.
« La première étape est de catégoriser les urgences absolues ou relatives, elle est assurée par des pompiers et des soignants », souligne le médecin.
« Nous sommes la seule grosse zone de soin sur Nouméa mais à plusieurs endroits, des médecins se sont regroupés pour prendre en charge la population », poursuit-il, saluant la « grande solidarité qui s’est mise en place » au sein des personnels de santé sur le Caillou.
« Nous avons fait naître trois enfants ici. A la première naissance, je n’arrivais à m’arrêter de pleurer. J’y ai vu une lueur d’espoir », relate le Dr Decanlers.
– Rationnements –
Une lueur accueillie avec soulagement après des jours d’émeutes et de destructions de bâtiments publics, qui ont mis à terre l’économie calédonienne et entravent l’accès aux soins.
L’association Renaloo de malades du rein a ainsi réclamé mardi un « plan d’urgence » pour permettre aux malades, en particulier les centaines de patients sous dialyse sur l’île, une « continuité » dans les traitements médicaux.
« En 35 ans d’armée, je n’ai jamais vu ça. C’est incompréhensible de voir incendier un cabinet médical, une pharmacie… Ça choque tout le monde », s’emporte le Dr Decanlers.
Dans une crise partie pour durer, les pénuries menacent par ailleurs.
« Pour la nourriture, la cuisine centrale fournit encore des plateaux repas mais il n’y en pas pour tout le monde, on rationne », témoigne sous couvert d’anonymat une aide-soignante du Médipôle de Dumbéa, l’hôpital territorial situé dans la banlieue de Nouméa. « Les portions sont plutôt petites. Pour les soignants, je ne sais pas d’où vient la nourriture, mais nous avons parfois des rations militaires ».
« Ça commence à devenir de la survie, on a un peu l’impression d’être livrés à nous-mêmes », déplore-t-elle.
« Les blessés en dehors des malades sont essentiellement des émeutiers. (…) Ils sont méfiants même s’ils nous remercient pour notre travail », décrit la professionnelle de santé.