Dans cette missive envoyée après cinq semaines de troubles, le président de la République exige « la levée ferme et définitive de tous les barrages » sur l’archipel français du Pacifique et « la condamnation des violences sans faux-semblants ».
« La situation dans laquelle la Nouvelle-Calédonie a été réduite par quelques-uns demeure inadmissible et ceux qui l’ont encouragée devront répondre de leurs actes », écrit le chef de l’Etat, qui s’était rendu sur place le 23 mai pour une visite express.
A ce moment-là, l’archipel était balayé par une vague de violences – notamment des émeutes depuis la nuit du 13 mai -, ayant causé la mort de neuf personnes, dont deux gendarmes, ainsi que des dégâts matériels considérables.
Depuis, Emmanuel Macron a suspendu mercredi dernier le projet de loi qui a mis le feu aux poudres et cristallisé la colère du camp indépendantiste: il prévoyait une réforme constitutionnelle modifiant les critères électoraux pour les élections provinciales calédoniennes, ce qui aurait eu pour conséquences, selon ses opposants, de marginaliser le poids du peuple autochtone kanak.
La suspension a été décidée après le revers électoral subi par le camp présidentiel aux élections européennes et la crise politique née de la dissolution surprise de l’Assemblée nationale, qui empêchait de facto le président de convoquer un Congrès pour entériner la réforme.
Pas de quoi calmer les esprits: les barrages montés depuis plus d’un mois par les indépendantistes demeurent en place malgré les 3.500 effectifs de forces de l’ordre déployés en renfort, tout comme les barricades des miliciens adverses.
– « Déconnexion inquiétante » –
Désormais, le président mise sur la « constitution d’un nouveau contrat social calédonien ».
« Ce dialogue devra naturellement porter sur la nature des liens qui seront tissés avec la France », écrit-il dans son courrier.
« Il faut toujours plus de temps pour construire que détruire. Mais la patience est toujours la condition de l’espérance », ajoute Emmanuel Macron.
« Nous aurions préféré le rétablissement de l’ordre à un courrier bien naïf », ont répondu dans la journée les loyalistes, camp pourtant favorable à la réforme et proche de la majorité présidentielle, dont la cheffe de file est l’ancienne secrétaire d’Etat Sonia Backès.
Son groupe a dénoncé, dans un communiqué, des « évidences bienveillantes décorrélées de la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie », une « déconnexion inquiétante », alors qu’un très fragile retour à la normale s’amorce tout juste sur l’archipel.
Les écoles et l’aéroport international ont rouvert lundi, tandis qu’un couvre-feu nocturne reste en vigueur à partir de 20H00.
Le député sortant Nicolas Metzdorf, lui aussi dans le camp non-indépendantiste, explique avoir répliqué au président de la République que son courrier « était inadapté compte tenu de la situation ». « J’ai rappelé que la nécessité aujourd’hui était de retrouver un Etat fort avec un président fort qui rétablisse l’ordre et la sécurité partout sur le territoire », poursuit-il.
Sur l’archipel, qui devra aussi organiser dans un contexte délicat des élections législatives anticipées les 30 juin et 7 juillet, ceux qui soutenaient il y a peu encore Emmanuel Macron s’en détournent désormais.
Le sortant Renaissance Nicolas Metzdorf, par exemple, se présentera dans la 1re circonscription calédonienne sans étiquette autre que locale car, dit-il à l’AFP, « seule la Nouvelle-Calédonie compte ».
Lors des législatives de 2022, l’ensemble de la droite avait conclu un accord pour présenter des candidats communs sous la bannière du parti présidentiel. Cette fois, il n’y aura aucun candidat étiqueté Renaissance. Pas même le député sortant Philippe Dunoyer, qui s’est tourné vers Horizons, le parti d’Edouard Philippe, dont l’implication dans le dossier calédonien du temps où il était Premier ministre résonne localement.
Le camp indépendantiste, lui, n’a pas encore réagi au courrier présidentiel. Mais il a promis, ces derniers jours, de rester mobilisé jusqu’à ce que le projet de réforme soit définitivement enterré.
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