Dans un arrêté du 19 septembre 2022, le gouvernement avait limité aux seules zones de piscicultures les quotas de tirs du grand cormoran terrestre (Phalacrocorax carbo sinensis), une espèce migratrice protégée au niveau européen depuis 1979 mais régulable par dérogation.
L’arrêté fixait des quotas départementaux, accordables par les préfets, pour un total national de 83.676 cormorans tués entre l’été 2022 et l’été 2025, mais excluait pour la première fois tout tir sur les étangs et rivières hors piscicultures. Cette mesure répondait à des victoires judiciaires obtenues par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) contre l’arrêté précédent, faute de preuves scientifiques suffisantes de destruction des populations de poissons.
Cette interdiction totale avait suscité une vive colère de la Fédération Nationale de la Pêche en France et de la protection du milieu aquatique (FNPF), qui avait attaqué le décret et décidé pendant quelques mois de séquestrer les redevances pour la protection des milieux aquatiques, soit environ 8 millions d’euros par an.
Les grand cormorans « consomment entre 300 et 500 grammes de poisson par jour chacun en s’attaquant aux espèces disponibles dont les migrateurs, le brochet, l’ombre commun et la truite », pour certaines menacées, avait alerté la FNPF, qualifiant le sujet « d’explosif » en son sein.
Dans sa décision, consultée par l’AFP, le Conseil d’Etat enjoint au ministre de l’Agriculture et à son homologue de la Transition écologique de prendre « dans un délai de quatre mois » un arrêté « fixant des plafonds départementaux de destruction de grands cormorans en eaux libres pour la période 2022-2025 ».
Cette décision « invalide la position extrême adoptée » à l’époque par le gouvernement, s’est félicité Hamid Oumoussa, directeur général de la FNPF, contacté par l’AFP.
Face à la colère des pêcheurs, l’exécutif avait toutefois engagé avec eux un « vrai travail de fond pour mieux documenter l’impact du grand comoran », témoigne-t-il, et des expérimentations avaient été lancées dès 2023 dans quatre fédérations départementales.
Dans l’Aude, des premiers résultats montrent « que 80% de la cohorte d’ombre commun disparaît du fait de cette prédation », rapporte M. Oumoussa, et les remontées du terrain montrent que « le cormoran a étendu son territoire d’installation et qu’il se sédentarise ».
« Sa cohabitation avec les poissons est dans certains cas assez difficile », nécessitant une « intervention humaine pour l’assurer », défend-il.