« Je sais qu’en France on est très créatifs quand il s’agit de fiscalité », a ironisé M. Saadé lors d’une conférence de presse concernant l’acquisition d’un opérateur portuaire brésilien.
Interrogé sur l’éventualité de supprimer la taxe au tonnage, prélèvement spécifique aux entreprises du secteur, pour la remplacer par l’impôt sur les sociétés, régime fiscal bien plus défavorable, le patron franco-libanais a alerté sur le risque de décrochage par rapport aux concurrents.
« La taxe au tonnage est un régime européen qui protège les compagnies européennes et qui leur donne la possibilité de continuer à se développer face à la concurrence asiatique », a-t-il assuré.
« Si la France décide d’arrêter le régime de la taxe au tonnage, ça nous met dans une situation de désavantage par rapport à nos concurrents européens et à nos partenaires asiatiques », a-t-il développé.
La taxe au tonnage permet aux compagnies maritimes de s’acquitter d’une taxe déterminée par le tonnage de l’ensemble des navires exploités ou utilisés par l’entreprise, plutôt que de l’impôt sur les sociétés (25% du bénéfice).
Ce régime fiscal favorable, inventé en Grèce dans les années 1950, a peu à peu été adopté par la quasi-totalité des pays européens, mais aussi ailleurs dans le monde.
« Il faut que tout le monde soit logé à la même enseigne (…) La France ne peut pas changer le régime de la taxe au tonnage alors que le Danemark, la Suisse et l’Allemagne (pays d’implantation des concurrents européens de CMA CGM, NDLR) le maintiennent », a insisté Rodolphe Saadé.
En revanche, « si le gouvernement décidait d’une contribution exceptionnelle de solidarité des grosses entreprises, on serait là », a-t-il affirmé.
Dimanche, le Premier ministre Michel Barnier a appelé à « un effort collectif » pour ne « pas aggraver la double dette écologique et financière » de la France, évoquant la possibilité de « prélèvements ciblés sur les personnes fortunées, ou certaines grosses entreprises ».
CMA CGM a vu ses profits gonfler depuis la pandémie de Covid grâce à l’explosion des tarifs de fret. Ils ont culminé en 2022 avec un bénéfice net de 24,9 milliards de dollars, ouvrant un débat sur la taxation des « superprofits » des entreprises.
Les tarifs se sont depuis largement normalisés et le transporteur maritime a affiché un bénéfice de 1,4 milliard de dollars au premier semestre 2023.