. En quoi consiste l’accord signé mercredi?
Le préfet de Martinique a annoncé dans un communiqué une « accumulation » d' »efforts collectifs » pour faire baisser la facture à la caisse des supermarchés.
L’accord devant entrer en application en janvier 2025 prévoit notamment « la suppression de l’octroi de mer », taxe qui s’applique sur les biens importés, sur 57 familles de produits, ainsi que la suppression de la TVA sur 69 familles de produits de grande consommation.
La baisse de l’octroi de mer, crucial pour les collectivités locales, doit être « compensée par un dispositif de péréquation » non détaillé dans le protocole d’accord. La TVA, déjà à taux réduit en Martinique, serait compensée « par une suppression d’exonérations de TVA sur d’autres produits non-alimentaires ».
Les hypermarchés de leur côté « s’engagent à réduire de 20% en moyenne les prix de vente » sur au total près de 7.000 produits « très consommés par les familles »: lait, pâtes, lentilles, sardines, beurre et huile, pommes, couches et lait infantile…
. Que peut imposer l’État?
En matière de prix, les autorités marchent sur des oeufs: un encadrement trop rigoureux serait contraire aux règles de concurrence.
Le projet du panier anti-inflation, promu début février 2023 par le gouvernement dans une France en plein tourbillon inflationniste, s’était heurté à cet écueil. Les professionnels avaient refusé de jouer le jeu d’un panier de produits uniques, jugeant le dispositif trop contraignant.
Le code du commerce rend toutefois des exceptions possibles dans certains territoires ultramarins, après avis public de l’Autorité de la concurrence.
Interrogé sur cette éventualité, dans le cadre d’une commission d’enquête sur la vie chère en Outre-Mer qui a rendu ses conclusion mi-2023, le ministre de l’Économie de l’époque Bruno Le Maire avait indiqué qu’il s’agissait d’une « solution lourde à mettre en oeuvre », à réserver aux « circonstances exceptionnelles ».
. Quelle responsabilité des supermarchés?
La grande distribution est au premier plan des critiques du mouvement contre la vie chère, alors que les denrées alimentaires sont en moyenne 40% plus chères en Martinique qu’en métropole. « La situation de concurrence sur place est tout à fait classique », assure pourtant à l’AFP une grande enseigne, sous couvert d’anonymat.
Le leader détient un peu plus du quart du marché, son dauphin un peu plus de 22%, le troisième un peu moins et le quatrième 10,9%, selon plusieurs sources. Ces acteurs locaux sont en revanche très peu transparents sur leur santé financière, assumant sauf exception de ne pas respecter l’obligation légale de déposer leurs comptes annuels au tribunal de commerce.
En revanche, le distributeur précédemment cité attire l’attention sur, outre le coût de l’octroi de mer, la position forte de l’armateur CMA-CGM, dont les parts de marché « se sont renforcées depuis 2013 dans la quasi totalité des territoires français ultramarins ». En Martinique, elle est passé de 49 à 62% du marché en moins de dix ans.
Lors d’une audition parlementaire devant le Sénat cette fois, Grégory Fourcin, vice-président des lignes de l’armateur, avait assuré en 2022 que la politique tarifaire pratiquée, « sans dire qu’elle est avantageuse, est bien différente de celle en direction d’autres territoires », et que « la part du fret dans le prix de vente est faible ».
« Des contributions volontaires et privées », émanant notamment de l’armateur marseillais, sont prévues pour réduire les frais d’approche, qui désignent l’octroi de mer ou la logistique, et qui pèsent pour 67% du différentiel de prix avec la métropole, selon les autorités.
. Quels contrôles?
Les différents acteurs de la grande distribution « s’engagent à n’appliquer aucune marge excessive sur l’ensemble des produits de l’alimentation courante ». Mais rien en droit ne permet de savoir dans quelle mesure une marge serait « excessive » ou non.
En outre il est généralement délicat de connaître la marge effectivement prélevée par le distributeur produit par produit, sauf à connaître le détail du contrat qu’il a signé avec son fournisseur, estiment plusieurs spécialistes. Des documents que les professionnels sont généralement réticents à dévoiler.
Le protocole d’accord prévoit que les enseignes de distribution, de même que les importateurs grossistes qui leur vendent la marchandise, « s’engagent à communiquer au représentant de l’État tous les 6 du mois toutes leurs données économiques ainsi que les sorties de caisse », ainsi que des contrôles renforcés.