À Mayotte, fruits et légumes désertent les assiettes

Mtsangamouji (France), 18 jan 2025 (AFP) – Bananes et maniocs à terre, c’est le garde-manger d’Abdou Abdillah qui s’est envolé le 14 décembre. Le cyclone Chido a ravagé sa petite parcelle située le long d’une route à Mtsangamouji, dans le nord de Mayotte, ne lui laissant que des débris d’arbres et de plantes à déblayer.

« C’était pour nourrir mes enfants, ma mère », regrette le cultivateur de 58 ans en tronçonnant un cocotier tombé il y a un mois. Depuis la tempête, les légumes et les fruits ont quitté son assiette. A la place, « on mange du riz et des frites », déplore-t-il.

La situation l’inquiète d’autant plus que le ramadan approche. Le début de la période de jeûne est prévu vers la fin du mois de février et il ne sait toujours pas ce que sa famille aura pour le foutari, le repas de rupture du jeûne.

Ousseni Aboubacar, qui cultive la parcelle voisine, partage la même inquiétude car la nourriture n’aura pas repoussé d’ici là. « Si nous avons de la pluie, il faudra attendre sept, huit mois », prévoit l’habitant de 54 ans.

Le modèle agricole dominant de Mayotte est le « jardin mahorais », une forme de polyculture qui assure à l’archipel une certaine autonomie alimentaire. Essentiellement vivrière, cette agriculture disséminée sur des milliers de petites parcelles familiales a été dévastée par le cyclone.

Partout dans le petit archipel de l’océan Indien, en plus de la reconstruction des habitations mises au sol par le cyclone, les habitants s’appliquent à sauver ce qui peut l’être.

Sur une pente au bord d’un bidonville, Issouf Combo, 72 ans, porte des coups de chombo (machette) au sol. « Je replante du maïs », indique-t-il tout en mettant deux graines dans un trou.

Là où il y avait auparavant du manioc et des bananes, il n’y a plus que de la terre rouge semée de débris. Cette parcelle était la principale source de fruits et légumes de cet habitant de Mangajou, un village situé à cinq kilomètres.

– Prix en hausse –

Depuis Chido, Issouf Combo et sa famille font leurs courses au marché « mais ça coûte cher », précise son petit-fils de 17 ans, Nassem Madi.

Car sur les étals des marchés, les prix ont augmenté. Celui de Nini Irene, à Chirongui (sud), affiche le kilo d’oignons ou de clémentines à cinq euros, le kilo de pommes ou de poires à quatre: c’est un euro de plus qu’avant le cyclone.

La vendeuse de 27 ans, qui achète ses fruits et légumes à « des Africains » les faisant venir de l’extérieur de l’archipel, explique la hausse par la rareté nouvelle des cultures.

« On nous a donné des sacs de 20 kilos d’oignons. Avant Chido, c’était à 35 euros, et maintenant à 70 euros », explique-t-elle. Dans ses bacs, plus rien ne vient de Mayotte. Elle voit seulement de temps en temps des brèdes mafanes et des concombres locaux sur les stands de ses voisins.

Venu acheter des oignons, Archidine Velou arrive encore à trouver ce qu’il lui faut, sauf les bananes. « Nos aliments de base, c’est le manioc et les bananes, ça va être compliqué », dit l’homme de 32 ans en évoquant l’approche du ramadan, qui revient sur toutes les lèvres.

Un peu plus loin, Rouchoudata Boina s’inquiète surtout de ne plus trouver de brèdes mafanes, une plante très populaire dans la région.

Celles qui avaient survécu à Chido ont été éprouvées par la tempête tropicale Dikeledi, la semaine dernière, dit-elle. « Comment je vais faire avec mes enfants ? », questionne cette mère d’une fratrie de cinq dont l’alimentation, faute d’argent, se base désormais sur les féculents: pâtes le matin, pain l’après-midi, riz le soir.

Prévoyant la pénurie, la préfecture de Mayotte a pris le 23 décembre un arrêté assouplissant les règles d’importation de végétaux à Mayotte.

« Il y a un besoin important d’approvisionner Mayotte en produits frais », justifie à l’AFP Patrick Garcia, chef du service alimentation à la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF). L’arrêté a engendré le renouvellement automatique pour six mois des permis d’importation de fruits et légumes.

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