Le monde de l’entrepreneuriat guadeloupéen fait les yeux doux au continent africain

Pointe-à-Pitre, 29 jan 2025 (AFP) – Installée au Togo, la ferme couvrira 30 hectares, sera « connectée » et son empreinte carbonne « négative »: à la baguette, des entreprises et institutions hexagonales et marocaines, mais une technologie guadeloupéenne, symbole d’entrepreneurs n’hésitant plus à traverser l’Atlantique.

Portée par la technopole de Guadeloupe I-Nova, la future ferme togolaise ambitionne de devenir un modèle de référence en agriculture durable, combinant « connaissances approfondies des sols et des cultures locales », « autonomie énergétique » et gestion optimisée grâce à une intelligence artificielle qui supervise cultures et élevages.

L’objectif ? Une agriculture à la pointe de la technologie, tout en respectant l’écosystème.

« Ce projet est une fierté. Il positionne la Guadeloupe comme une référence de transition écologique et agricole », se réjouit Sébastien Luissaint, le président d’I-Nova – un projet privé soutenu par la région Guadeloupe – et PDG de Myditek.

Cette entreprise, spécialisée dans les objets connectés offrant des solutions aux agriculteurs en milieu tropical, fait partie intégrante de l’initiative.

Elle n’aurait peut-être jamais vu le jour sans un détour par le Togo. « En Guadeloupe, j’avais du mal à +évangéliser+ et convaincre de la pertinence de mon produit », confie l’entrepreneur, fils d’agriculteurs.

Après une victoire au concours « Innovation Outre-mer » organisée sous l’égide de BPI France et un passage à la Station F, l’incubateur d’entreprises du magnat de la tech Xavier Niel, Sébastien Luissaint avait bénéficié d’un accompagnement de la région Guadeloupe.

Mais au Togo, où il arrive par « opportunité », « les marchés sont plus larges, la capacité de financement plus importante, et au final, les problématiques sont les mêmes », explique-t-il.

Axelle Tiedrez-Daijardin, la directrice d’I-Nova, élargit l’horizon. « Ce n’est pas seulement l’Afrique, mais toute la bande intertropicale qui peut attirer nos innovations », explique-t-elle.

Résilience face au changement climatique, gestion des ressources naturelles ou encore sécurité alimentaire: ces régions partagent avec les îles antillaises des défis communs, ajoute-t-elle.

– « Proximité naturelle » –

Sans compter que les Antilles françaises ont une carte unique à jouer, ajoute cette professionnelle revenue en Guadeloupe après des études et un début de carrière en métropole. « Les Antilles ont un lien historique avec l’Afrique, lié à l’histoire coloniale », souligne-t-elle.

Une histoire commune, souvent lourde, mais aussi porteuse de promesses. Florence Dorville, entrepreneuse qui développe ses activités de conseil en stratégie numérique entre la Guadeloupe et le Bénin, évoque un « double privilège ».

« Être afro-descendant crée une proximité naturelle qui aide beaucoup et le fait d’être Français apporte une image de qualité », observe-t-elle.

Les pays africains, de leur côté, multiplient les initiatives pour renouer avec les Caraïbes. Début janvier, le Bénin a accueilli une rencontre avec les ministres des Affaires étrangères des pays de la Communauté des Caraïbes (Caricom). Objectif : renforcer les partenariats économiques, culturels et sécuritaires.

Le président béninois Patrice Talon, qui a fait du tourisme mémoriel un axe fort de sa politique, a même créé une loi facilitant l’accès à la nationalité pour les afro-descendants. Un geste symbolique, mais aussi stratégique pour attirer talents et innovation.

Les pays d’Afrique de l’Ouest sont « très avides de projets innovants d’agro-transformation », précise Florence Dorville. Ces dernières années, plusieurs pays ont adopté des lois interdisant l’exportation brute de matières premières, afin d’accroître leur valeur ajoutée sur place.

Mais le parcours reste semé d’embûches. Les structures régionales peinent à concrétiser leurs engagements financiers et à accompagner réellement les porteurs de projets, déplorent plusieurs acteurs.

Le secteur privé, dominé par de petites entreprises ou des sociétés familiales, accorde peu de place à l’innovation. Quant aux investisseurs, ils sont presque absents des territoires ultra-marins, obligeant les entrepreneurs à se tourner vers des financements publics.

Pour Axelle Tiedrez-Daijardin, malgré ces limites, la Guadeloupe reste un tremplin intéressant. « La force de notre territoire, c’est qu’on a des outils d’accompagnement français et européens. On peut tester nos produits ici avant de s’exporter vers des marchés plus adaptés. »

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