Début juin, l’accord interprofessionnel visant à mieux rémunérer les agriculteurs qui produisent du blé plus riche en protéines a été renforcé.
« C’est le début d’une nouvelle ère. Avant, nous nous posions peu de questions sur les aspects qualitatifs », reconnaît François Barret, producteur de blé dans l’Eure-et-Loir.
Pourtant, à travers le problème de la protéine, « c’est la pérennité de la filière céréalière française qui est en jeu », estime Claire Lelièvre, déléguée céréales chez l’organisme public FranceAgriMer.
Car la France, premier producteur de blé de l’Union européenne, exporte plus de la moitié de sa production. Quelque 60% des exportations partent hors de l’UE, en particulier dans les pays d’Afrique du Nord et subsaharienne.
Or ces clients demandent des teneurs en protéines de plus en plus élevées. Pour des raisons nutritionnelles, car le pain y est souvent la première source de protéines dans l’alimentation.
Mais aussi parce que « les boulangers de ces pays sont plus ou moins bien formés, et font face aux problèmes de chaleur et d’humidité », plus faciles à gérer lorsque la teneur en protéines est élevée, expliquait François Gatel, directeur de France Export Céréales, lors d’un colloque sur le sujet en mai.
Le critère est pris d’autant plus au sérieux que l’Algérie, la Tunisie ou encore l’Egypte achètent leur blé par appels d’offres publics. « L’Etat doit donc rendre des comptes à l’opinion publique », rappelle M. Gatel.
Mais le taux de protéines des blés français a nettement diminué ces trois dernières années, souligne Claire Lelièvre, notamment parce que les agriculteurs ont choisi des variétés de blé à fort rendement, qui ont un taux de protéines moins élevé.
Résultat: le blé français est de plus en plus concurrencé par celui des pays de la mer Noire, Ukraine en tête, moins cher et plus protéiné.
Même au sein de l’Hexagone, la demande de protéines est en augmentation. Pour la meunerie, bien sûr, avec la vogue du pain « tradition », qui en contient davantage.
Mais aussi pour l’amidonnerie, et surtout pour la fabrication d’aliments pour le bétail, qui représente un tiers de l’utilisation de blé en France.
« S’il n’y a pas assez de protéines dans le blé, il faut compléter avec des produits importés », soja ou maïs, a prévenu Alain Guillaume, président du Syndicat de l’industrie de l’alimentation animale.
– Effets pervers ? –
« Il va falloir concilier de bons rendements avec le taux de protéines, c’est un peu antinomique », souligne M. Barret, qui s’inquiète aussi du casse-tête environnemental.
Car « pour obtenir des protéines, il faut mettre de l’azote », explique-t-il. Or ces engrais se dégradent en nitrates qui polluent les nappes phréatiques. Leur utilisation est strictement encadrée par la directive européenne sur les nitrates depuis 1991.
Pour résoudre ces contradictions, M. Barret « espère être aidé par la technologie ». L’utilisation de drones et de systèmes satellitaires se développe pour aider les agriculteurs à doser précisément les apports en azote, pour être le plus efficaces et le moins nocif pour l’environnement.
Le plan protéines mis en place par FranceAgrimer et par la filière fin 2013 mise sur le conseil aux agriculteurs dans ces domaines. Il prévoit aussi de « réorienter la recherche semencière vers des variétés de blé qui concilient rendement et teneur en protéine élevée », explique Mme Lelièvre.
Les semenciers ont d’ailleurs flairé l’opportunité. Syngenta commercialisera en 2015 des variétés sélectionnées en ce sens.
Reste que l’amélioration du blé en termes de protéines pourrait avoir un inconvénient alimentaire. « Il y a très clairement une corrélation entre l’augmentation des allergies au gluten et la sélection génétique sur l’accroissement du taux de protéines », met en garde l’agronome Marc Dufumier, professeur émérite à AgroParisTech.
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