Les méduses prennent leurs aises dans les océans

Depuis ses débuts à Villefranche-sur-mer (Alpes-Maritimes), la biologiste a passé trente ans à ausculter ces animaux appartenant au plancton et composés de 98% d’eau. « J’ai été fascinée », confie-t-elle à l’AFP, par la beauté de ces organismes translucides, aux tailles et couleurs variées, si élégants dans leur milieu et si repoussants hors de l’eau.

« Il existe environ un millier d’espèces de méduses, mais une vingtaine pose des problèmes aujourd’hui, les autres sont discrètes », dit la scientifique qui cosigne avec Robert Calcagno, le directeur de l’Institut océanographique de Monaco, un livre (« Méduses, à la conquête des océans ») qui paraîtra le 4 septembre aux éditions du Rocher.

Désormais, tourisme et pêche pâtissent de leur présence trop envahissante, mais aussi de nombreuses installations: systèmes de refroidissement d’installations nucléaires, usines de dessalement, fermes piscicoles.

Les méduses, dont la taille « varie d’un millimètre à plus de 6 mètres de diamètre, sont des êtres venimeux, mais le venin est propre à chaque espèce, la poignée d’espèces mortelles étant cantonnée au nord de l’Australie », explique la scientifique.

Ailleurs, comme la Pelagia noctiluca en Méditerranée devenue ces dix dernières années la terreur des baigneurs, elles peuvent être très urticantes.

Dotées d’une anatomie simple, se déplaçant au gré des courants, les méduses sont présentes dans les océans depuis des centaines de millions d’années. « Ca fait partie des premiers fossiles, elles servent d’ailleurs de marqueurs des côtes », souligne Jacqueline Goy.

Malgré une durée de vie courte (de deux semaines à quelques mois pour la plupart), les méduses sont des championnes de l’adaptation. En cas de nourriture abondante, elles peuvent manger jusqu’à la moitié de leur poids en une journée, mais elles peuvent aussi jeuner, et même manger leurs propres gonades pour survivre en cas de disette prolongée.

– La surpêche en cause –

« Les méduses ont tout supporté, elles savent s’adapter », résume Jacqueline Goy.

Si bien qu’aujourd’hui, ces animaux semblent coloniser toujours un peu plus les océans: la Pelagia noctiluca s’est installée dans le nord de la Méditerranée; les côtes de la Namibie sont désormais infestées de méduses, les mers Noire, de Béring et du Japon sont touchées, et des fjords norvégiens ne sont pas épargnés.

Si des phénomènes de prolifération soudaine sont répertoriés de longue date, ils apparaissent aujourd’hui dans de nouveaux endroits ou deviennent plus fréquents dans d’autres.

« On se plaint d’avoir des méduses mais on fait tout pour », avance la biologiste. « La pullulation telle qu’on l’a constate est un symptôme des déséquilibres que l’homme impose aux océans depuis quelques décennies », affirme à l’AFP Robert Calcagno.

« La cause première, c’est la surpêche », explique le directeur de l’Institut océanographique monégasque. « La surpêche enlève des prédateurs des méduses comme les anchois, sardines, maquereaux, et par ailleurs ces prédateurs étant moins nombreux, le zooplancton est plus abondant et les méduses prolifèrent grâce à l’abondance de nourriture », détaille-t-il.

« En Namibie, des zones très riches en poissons ont été surexploitées, les méduses ont proliféré, c’est l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire », renchérit Jacqueline Goy.

En cause également la pollution aux nitrates et aux phosphates qui entraine une prolifération du phytoplancton, et donc du zooplancton, et la présence grandissante de déchets plastiques, qui deviennent en pleine mer des supports sur lesquels, à leur stade précoce (kyste), elles peuvent se fixer.

Le réchauffement des océans, à un rythme jamais enregistré, est aussi un facteur favorable aux méduses, tandis que l’acidification accrue des mers les laisse indifférentes, contrairement à de nombreuses espèces marines.

« Il faut agir pour éviter un basculement complet des océans au profit des méduses », concluent les auteurs, et éviter ainsi une gélification des mers.

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