« C’est une victoire totale », s’est exclamée Me Corinne Lepage, avocate de dix communes du littoral, devant la presse, après la lecture de la décision de la Cour. « C’est 13 ans de travail, 13 ans de bataille de la part des collectivités locales et un très grand jour pour tous les défenseurs de l’environnement ».
« C’est une très belle décision », a renchéri Me Patrice Spinosi, avocat à la Cour de cassation de plusieurs collectivités dont la Bretagne.
« Aujourd’hui, il a été retenu par la Cour de cassation que non seulement Total est bien responsable pénalement, mais que cette responsabilité est aussi civile, il est aux côtés des autres pollueurs obligé de réparer les dommages causé par le naufrage », a-t-il souligné.
« C’est une immense satisfaction, et une très très grande décision » qui « marquera le droit maritime » car « il a été reconnu que toute personne qui intervient de façon fautive dans le cadre d’un naufrage polluant est susceptible de voir se responsabilité pénale et civile engagée », a ajouté Me Spinosi.
Le naufrage le 12 décembre 1999 de l’Erika, navire battant pavillon maltais affrété par le groupe français Total, avait souillé 400 kilomètres de côtes françaises.
Le 30 mars 2010, la cour d’appel de Paris avait confirmé les condamnations pénales pour pollution du groupe Total, de la société de classification Rina, de l’armateur Giuseppe Savarese et du gestionnaire Antonio Pollara.
Elle avait légèrement augmenté les indemnisations accordées aux parties civiles, les portant à 200,6 millions.
Mais, coup de théâtre, elle avait considéré que Total, en tant qu' »affréteur véritable » de l’Erika, était exonéré du versement de ces dommages et intérêts, du fait d’une convention internationale. La Cour de cassation a au contraire jugé que Total avait commis une faute de « témérité » et devait « réparer les conséquences du dommage solidairement avec ses coprévenus ».
Jacques Auxiette, président de la région Pays-de-la-Loire, a salué « une victoire totale, et quelque peu inespérée » : « Cela prouve aussi que dans l’état actuel du droit, il y a des interprétations à 360 degrés ».
L’avocat général de la Cour de cassation avait en effet estimé au printemps que la justice française n’était pas compétente pour juger des responsabilités dans l’affaire de l’Erika.
« Cette décision constitue un socle très important pour le droit maritime. Nous allons mettre en place dans les semaines qui viennent, avec les régions concernées de l’Ouest, un travail juridique pour l’analyse des 300 pages » de l’arrêt de la Cour de cassation, « pour voir ce qui doit être précisé au niveau du droit français, européen et international », a ajouté M. Auxiette.
« C’est une décision qui fera réfléchir l’ensemble des compagnies pétrolières sur l’organisation du transport maritime », a estimé Me Jean-Pierre Mignard, avocat de plusieurs collectivités.
« La mer n’est pas un zone de non droit, n’est pas une zone d’impunité. (…) Demain nous savons que les navires poubelles seront santionnés de la manière la plus dure », a renchéri Bruno Retailleau, président du Conseil général de la Vendée.
« On trace l’avenir. On ne pourra plus polluer comme par le passé. Je suis très ému », a ajouté le président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), Allain Bougrain-Dubourg.
« Cette décision qui reconnaît le préjudice environnemental de façon plus vaste est un progrès, une grande avancée », s’est réjouie l’ex-candidate EELV à la présidentielle Eva Joly.