Japon: trois ministres au sanctuaire controversé de Yasukuni

Outre que cela risque indubitablement de compliquer les efforts du Premier ministre Shinzo Abe pour se réconcilier avec Pékin avec en ligne de mire un sommet espéré avec le président Xi Jinping en novembre prochain en Chine, cette triple visite sonne comme un défi pour lui: en septembre dernier, lors du premier remaniement depuis la fin 2012, il avait décidé de féminiser son gouvernement en nommant cinq femmes à des postes clé.

Lui-même, en déplacement à l’étranger, s’est bien gardé de se rendre au sanctuaire comme fin 2013 à l’occasion du premier anniversaire de son arrivée au pouvoir, un déplacement qui avait hérissé Pékin, Séoul mais aussi Washington.

Mais avant de partir pour le sommet Europe-Asie à Milan, il avait tout de même donné instruction de faire déposer en son nom une offrande.

Ministre des Affaires intérieures et de la Communication, Sanae Takaichi, l’une des cinq femmes promues en septembre, est allée se recueillir dans ce sanctuaire qui honore les âmes de 2,5 millions de soldats morts pour la patrie mais aussi de 14 criminels de guerre condamnés par les Alliés.

Mme Takaichi, dont la photo avec un militant d’un groupe néo-nazi local avait été diffusée par la presse le mois dernier, a été suivie peu après par sa collègue Eriko Yamatani, notamment responsable du dossier des Japonais enlevés par la Corée du Nord durant la Guerre froide, puis par Hariko Arimura, autre quadragénaire chargée de la promotion des femmes et de la lutte contre la dénatalité.

Pour compléter le tableau, une quatrième femme de la promotion de septembre, Yuko Obuchi, titulaire du puissant ministère de l’Economie, du commerce et de l’industrie, serait sur le point de démissionner, selon des médias japonais, à la suite des soupçons d’usage de fonds politiques à des fins personnelles.

Déjà vendredi, plus de 100 parlementaires japonais s’étaient rendus vendredi au sanctuaire à l’occasion du festival d’automne de ce sulfureux lieu de culte, suscitant l’ire de la Chine qui s’est déclarée « vivement alarmée ».

Peu de temps avant cette visite en masse, Shinzo Abe et son homologue chinois Li Keqiang avaient échangé une symbolique première poignée de main à Milan dans le cadre de l’Asem, forum entre l’Europe et l’Asie.

Cette brève rencontre, rapportée par les médias japonais, était la dernière manifestation en date de la volonté de Tokyo de multiplier les appels à un sommet bilatéral avec Pékin, car les dirigeants japonais et chinois, arrivés au pouvoir à peu près au même moment fin 2012-début 2013, ne se sont jamais rencontrés officiellement si ce n’est en marge d’événements internationaux.

Le climat reste donc visiblement tendu, et cet énième pèlerinage d’élus et de ministres au Yasukuni ne va pas probablement pas arranger les choses.

« Les relations sino-nippones ne pourront prospérer sainement qu’à la condition que le Japon admette sérieusement son passé d’agression, qu’il s’en repente et se démarque du militarisme », avait rapidement fustigé le ministère chinois des Affaires étrangères, après la visite des parlementaires nippons de tous bords vendredi.

Séoul avait également « déploré » ce déplacement des députés et sénateurs, conseillant au Japon de ne pas « se confiner dans un passé obscur et plutôt de réfléchir sérieusement pour avancer vers un avenir brillant ».

Les relations du Japon avec ses voisins restent marquées par le souvenir des atrocités commises par les troupes impériales pendant la colonisation de la péninsule coréenne (1910-1945) et lors de l’occupation partielle de la Chine (1931-1945).

Outre ces disputes historiques, la Chine et le Japon sont particulièrement en froid depuis la nationalisation par Tokyo à l’automne 2012 de trois des îles Senkaku en mer de Chine orientale, territoires revendiqués par Pékin sous le nom de Diaoyu.

C’est dans ce contexte surchauffé que trois patrouilleurs des garde-côtes chinois sont entrés brièvement samedi matin dans les eaux territoriales de cet archipel inhabité, où l’on redoute, notamment à Washington, un incident armé entre les deux géants asiatiques.

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