« Aucune offre ne présente de garanties sérieuses de viabilité économique, la pérennité de l’ensemble cédé ne paraissant pas assurée », critique le tribunal dans son jugement, qui, hasard du calendrier, a rendu sa décision le jour où s’ouvrait à Marseille le procès de 29 personnes, dont huit marins de la SNCM, impliquées dans un trafic d’armes et de drogues entre le continent et la Corse.
Trois offres avaient été déposées pour la reprise de la compagnie, qui emploie environ 1.500 CDI, portées par Baja Ferries – en faveur de laquelle avait requis le procureur lors de l’audience du 27 mai -, le groupe corse Rocca et l’ex-directeur du port de Marseille Christian Garin. Dans le meilleur des cas, elles prévoyaient de reprendre environ 900 salariés.
« Le tribunal constate (…) que le contexte dans lequel avait été lancé l’appel d’offres de reprise en décembre 2014 a considérablement évolué », pointe aussi le tribunal: depuis en effet, Bruxelles a notamment précisé sa définition de la « discontinuité économique » entre la SNCM et la société qui naîtra de la reprise, et qui permettra d’effacer l’ardoise de plus de 400 millions d’euros réclamée par les autorités européennes au titre d’aides jugées indûment perçues.
Enjoignant les administrateurs judiciaires de la compagnie d’organiser un nouvel appel d’offres, le tribunal a fixé une nouvelle audience le 25 septembre pour examiner les nouvelles propositions.
La décision a été accueillie fraîchement à Bruxelles, où la Commission européenne, qui avait plusieurs fois milité pour un règlement rapide du dossier, a mis en garde la compagnie, annonçant qu’elle allait « analyser les conséquences » de la décision du tribunal de commerce.
« Pour rappel, la SNCM doit toujours rembourser les aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur précédemment perçues. La SNCM continue d’ailleurs de percevoir des compensations de service public dans le cadre du contrat de délégation de service public en cours », a ajouté un porte-parole, Ricardo Cardoso.
– Stef déjà sur les rangs –
« On enregistre avec satisfaction le fait que le tribunal n’a pas cédé aux pressions », s’est en revanche félicité Maurice Perrin, de la CFE-CGC. Même son de cloche côté CGT, qui va appeler les salariés à lever un préavis de grève qui courait à partir de jeudi, et dont le représentant Jean-François Simmarano a lui aussi salué la décision du tribunal: « Tout était bouclé pour soit liquider la compagnie, soit la donner à un opérateur fantoche », a-t-il dénoncé.
« Cette décision garantit que les bateaux de la SNCM assureront le service programmé cet été. Les clients peuvent réserver sans crainte », a aussi pointé la compagnie, qui réalise une grande partie de son chiffre d’affaires au cours de la saison estivale.
A l’opposé, Transdev, l’actionnaire majoritaire de la SNCM, a déploré le jugement du tribunal: « toutes les conditions étaient réunies afin que le Tribunal de commerce puisse arrêter un plan de cession », mais « il apparaît qu’une partie au moins de ces conditions pourraient ne plus être réunies à l’automne, ce qui empêcherait alors toute reprise et provoquerait une liquidation totale ».
Les jours précédant le jugement avaient été marqués par une multiplication des annonces, avec notamment des marques d’intérêt émanant du groupe Stef, spécialiste de la logistique du froid et maison-mère de La Méridionale, co-contractant avec la SNCM de la délégation de service public de continuité territoriale entre Corse et continent, et d’un consortium composé de huit grandes entreprises corses.
Mercredi, Stef a confirmé son intention de « se mobiliser pour présenter une offre dans les délais fixés » –recevant une marque de soutien de la mairie de Marseille, qui a jugé par la voix de l’adjoint Républicain aux finances Roland Blum que les « interventions récentes » du groupe méritaient « une attention particulière ».
« Déçu », le président de Baja Ferries Daniel Berrebi a annoncé que sa décision sur une participation au nouvel appel d’offres serait prise « après l’été ».
« Le gouvernement réaffirme son objectif de sauvegarde du plus grand nombre d’emplois des salariés de la SNCM, d’un plan social exemplaire (…) et de préservation de la continuité territoriale avec la Corse », a de son côté réagi le secrétaire d’État aux Transports Alain Vidalies.
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STEF