Cinq questions pour comprendre la crise migratoire

Pourquoi cet exode maintenant ?

Dans les camps de réfugiés syriens en Turquie, au Liban et en Jordanie, l’aide humanitaire s’est réduite et les conditions de vie se sont détériorées, selon le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) de l’ONU. En outre, aucune issue n’est en vue dans le conflit et les chances de rentrer en Syrie deviennent de plus en plus incertaines.

La décision de l’Allemagne de cesser de renvoyer les demandeurs d’asile syriens vers le pays d’entrée dans l’UE incite ceux qui hésitaient encore à faire le voyage. S’y ajoute la fermeture probable, très prochainement, de certaines routes d’accès, car Bruxelles pousse la Grèce et l’Italie à installer des centres d’accueil et de tri de l’UE, alors que ces deux pays avaient tendance à « fermer les yeux » et à laisser passer chez leurs voisins les migrants qui débarquaient sur leurs côtes.

Combien seront-ils ? D’où viennent les migrants ?

Plus de 330.000 migrants ont traversé la Méditerranée depuis janvier et 2.500 ont péri noyés pendant la traversée, selon le HCR et Frontex, l’agence de l’UE pour les frontières extérieures. Mais les arrivées par le sud ne constituent qu’une petite partie des entrées dans l’UE. L’Allemagne dit s’attendre à devoir traiter 800.000 demandes d’asile en 2015, contre 200.000 en 2014.

Selon les données publiées en juin par Eurostat, 185.000 demandes d’asile ont été enregistrées au cours du premier trimestre 2015, et la moitié concerne des Kosovars, des Syriens ou des Afghans.

Les migrants entrés par l’Italie et la Grèce viennent de Syrie, d’Afghanistan, d’Erythrée, mais aussi du Nigeria, du Pakistan ou du Kosovo.

Selon le HCR, les migrants arrivent d’abord en Europe par la Grèce via la Turquie (132.000 depuis janvier dont 59% de Syriens et 25% d’Afghans). La Hongrie est un deuxième point d’entrée (102.000 arrivées depuis janvier) et enfin, deux itinéraires partent d’Afrique du Nord, dont le plus périlleux permet de gagner l’Italie à partir de la Libye (91.000 arrivées, majoritairement des Erythréens, des Nigérians et des ressortissants d’autres pays sud-sahéliens). Le second conduit en Espagne via le Maroc (7.000).

Où vont-ils ?

Les trois destinations les plus convoitées par les migrants sont l’Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni. Mais, en réalité, plus de la moitié des demandes d’asile soumises au cours du premier trimestre de 2015 l’ont été en Allemagne (73.000 soit 40% du total) et en Hongrie (32.000, 18%), suivies par l’Italie (15.000, 8%), la France (14.800, 8%), la Suède (11.400, 6%), l’Autriche (9.700, 5%) et le Royaume-Uni (7.300, 4%).

Que fait l’UE ?

L’Union européenne cherche à distinguer le plus tôt possible les demandeurs d’asile des migrants économiques, pour éviter que ces derniers n’abusent du système en demandant l’asile alors qu’ils savent pertinemment ne pas y avoir droit.

Elle cherche également à mieux dissuader les migrants de venir. C’est le principal objectif du sommet de la Valette avec les dirigeants des pays africains les 11 et 12 novembre.

Bruxelles a mis en oeuvre plusieurs opérations navales -Triton en Italie, Poséidon en Grèce- pour les secourir en mer, et une opération militaire pour traquer et combattre les réseaux de passeurs au large de la Libye, EU Navfor Med.

Pour améliorer le tri et accélérer le renvoi des migrants ne pouvant nullement prétendre à l’asile, l’UE crée des « hot spots », des centres d’accueil et de tri, à Catane en Sicile et au Pirée en Grèce (ouverture prochainement).

Combien obtiennent le statut de réfugié ?

Seules 162.000 personnes ont obtenu en 2014 l’asile en Europe, alors que 359.000 dossiers ont été examinés. Sur la même année, 625.000 demandes d’asile ont été introduites (20% de Syriens), elles sont pour la plupart encore en cours d’examen.

En théorie, ceux qui sont déboutés doivent repartir dans leur pays d’origine ou le pays par lequel ils ont transité avant d’entrer dans l’UE. Mais, dans les faits, peu repartent, reconnaît la Commission européenne. Le commissaire aux Affaires intérieures Dimitris Avramopoulos a concédé début août attendre une normalisation en Libye et l’issue des négociations pour la formation d’un gouvernement en Turquie afin d’engager des négociations avec ces deux pays de transit.

Schengen et les accords de Dublin en question

La situation actuelle menace l’accord de Schengen, l’espace de libre circulation créé en 1985 entre 26 pays (22 des 28 membres de l’UE, ainsi que la Norvège, l’Islande, la Suisse et le Liechtenstein). Alors que l’Italie, la Grèce et la Hongrie laissent désormais passer les migrants, plusieurs Etats membres réclament le droit de reprendre le contrôle de leurs frontières nationales. « Schengen n’est pas le problème », a rétorqué lundi un porte-parole de la Commission, son président Jean-Claude Juncker insiste : « la libre circulation, c’est l’essence de l’UE ».

En revanche, l’accord de Dublin qui fait reposer sur l’Etat d’entrée dans l’UE la responsabilité de prendre en charge un migrant ou demandeur d’asile, est en passe d’être modifié. La Commission a proposé un « mécanisme permanent de relocalisation » afin de répartir automatiquement les demandeurs d’asile au sein de l’UE en cas d’urgence migratoire. Mais M. Juncker aura fort à faire pour convaincre les gouvernements européens. La dernière tentative de réviser l’accord de Dublin a été un échec cuisant : 24 pays dont la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont voté contre.

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